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La Renaissance du café à Montréal

J’ai récemment publié un très long billet sur la scène du café à Montréal. Sans doûte à cause de sa longueur, ce billet ne semble pas avoir les effets escomptés. J’ai donc décidé de republier ce billet, section par section. Ce billet est la dernière section de ce long billet. Il consiste en une espèce de résumé de la situation actuelle de la scène montréalaise du café, avec un regard porté vers son avenir. Vous pouvez consulter l’introduction qui contient des liens aux autres sections et ainsi avoir un contexte plus large.

À mon humble avis, l’arrivée de la Troisième vague à Montréal nous permet maintenant d’explorer le café dans toute sa splendeur. En quelque sorte, c’était la pièce qui manquait au casse-tête.

Dans mon précédent billet, j’ai omis de comparer le café à l’italienne au café à la québécoise (outre l’importance de l’allongé). C’est en partie parce que les différences sont un peu difficile à expliquer. Mais disons qu’il y a une certaine diversité de saveurs, à travers la dimension «à la québécoise» de la scène montréalaise du café. Malgré certains points communs, les divers cafés de Montréalais n’ont jamais été d’une très grande homogénéité, au niveau du goût. Les ressemblances venaient surtout de l’utilisation des quelques maisons de torréfaction locales plutôt que d’une unité conceptuelle sur la façon de faire le café. D’ailleurs, j’ai souvent perçu qu’il y avait eu une baisse de diversité dans les goûts proposés par différents cafés montréalais au cours des quinze dernières années, et je considère ce processus de quasi-standardisation (qui n’a jamais été menée à terme) comme un aspect néfaste de cette période dans l’histoire du café à Montréal. Les nouveaux développements de la scène montréalaise du café me donne espoir que la diversité de cette scène grandit de nouveau après cette période de «consolidation».

D’ailleurs, c’est non sans fierté que je pense au fait que les grandes chaînes «étrangères» de cafés ont eu de la difficulté à s’implanter à Montréal. Si Montréal n’a eu sa première succursale Starbucks qu’après plusieurs autres villes nord-américaines et si Second Cup a rapidement dû fermer une de ses succursales montréalaises, c’est entre autres parce que la scène montréalaise du café était très vivante, bien avant l’arrivée des chaînes. D’ailleurs, plusieurs chaînes se sont développé localement avant de se disperser à l’extérieur de Montréal. Le résultat est qu’il y a probablement, à l’heure actuelle, autant sinon plus de succursales de chaînes de cafés à Montréal que dans n’importe autre grande ville, mais qu’une proportion significative de ces cafés est originaire de Montréal. Si l’existence de chaînes locales de cafés n’a aucune corrélation avec la qualité moyenne du café qu’on dans une région donnée (j’ai même tendance à croire qu’il y a une corrélation inverse entre le nombre de chaînes et la qualité moyenne du café), la «conception montréalaise» du café me semble révêlée par les difficultés rencontrées par les chaînes extrogènes.

En fait, une caractéristique de la scène du café à Montréal est que la diversité est liée à la diversité de la population. Non seulement la diversité linguistique, culturelle, ethnique et sociale. Mais la diversité en terme de goûts et de perspectives. La diversité humaine à Montréal évoque l’image de la «salade mixte»: un mélange harmonieux mais avec des éléments qui demeurent distincts. D’aucuns diront que c’est le propre de toute grande ville, d’être intégrée de la sorte. D’autres diront que Montréal est moins bien intégrée que telle ou telle autre grande ville. Mais le portrait que j’essaie de brosser n’est ni plus beau, ni plus original que celui d’une autre ville. Il est simplement typique.

Outre les cafés «à la québécoise», «à l’italienne» et «troisième vague» que j’ai décrits, Montréal dispose de plusieurs cafés qui sont liés à diverses communautés. Oui, je pense à des cafés liés à des communautés culturelles, comme un café guatémaltèque ou un café libanais. Mais aussi à des cafés liés à des groupes sociaux particuliers ou à des communautés religieuses. Au point de vue du goût, le café servi à ces divers endroits n’est peut-être pas si distinctif. Mais l’expérience du café prend un sens spécifique à chacun de ces endroits.

Et si j’ai parlé presqu’exclusivement de commerces liés au café, je pense beaucoup à la dimension disons «domestique» du café.

Selon moi, la population de la région montréalaise a le potentiel d’un réel engouement pour le café de qualité. Même s’ils n’ont pas toujours une connaissance très approfondie du café et même s’il consomme du café de moins bonne qualité, plusieurs Montréalais semblent très intéressés par le café. Certains d’entre eux croient connaître le café au point de ne pas vouloir en découvrir d’autres aspects. Mais les discussions sur le goût du café sont monnaie courante parmi des gens de divers milieux, ne serait-ce que dans le choix de certains cafés.

Évidemment, ces discussions ont lieu ailleurs et le café m’a souvent aidé à m’intégrer à des réseaux sociaux de villes où j’ai habité. Mais ce que je crois être assez particulier à Montréal, c’est qu’il ne semble pas y avoir une «idéologie dominante» du café. Certains amateurs de café (et certains professionnels du café) sont très dogmatiques, voire doctrinaires. Mais je ne perçois aucune  idée sur le café qui serait réellement acquise par tous. Il y a des Tim Hortons et des Starbucks à Montréal mais, contrairement à d’autres coins du continent, il ne semble pas y avoir un café qui fait consensus.

Par contre, il y a une sorte de petite oligarchie. Quelques maisons de torréfaction et de distribution du café semblent avoir une bonne part du marché. Je pense surtout à Union, Brossard et Van Houtte (qui a aussi une chaîne de café et qui était pris à une certaine époque comme exemple de succès financier). À ce que je sache, ces trois entreprises sont locales. À l’échelle globale, l’oligarchie du monde du café est constituée par Nestlé, Sara Lee, Kraft et Proctor & Gamble. J’imagine facilement que ces multinationales ont autant de succès à Montréal qu’ailleurs dans le monde mais je trouve intéressant de penser au poids relatif de quelques chaînes locales.

Parlant de chaînes locales, je crois que certaines entreprises locales peuvent avoir un rôle déterminant dans la «Renaissance du café à Montréal». Je pense surtout à Café Terra de Carlo Granito, à Café Mystique et Toi, Moi & Café de Sevan Istanboulian, à Café Rico de Sévanne Kordahi et à la coop La Maison verte à Notre-Dame-de-Grâce. Ces choix peuvent sembler par trop personnels, voire arbitraires. Mais chaque élément me semble représentatif de la scène montréalaise du café. Carlo Granito, par exemple, a participé récemment à l’émission Samedi et rien d’autre de Radio-Canada, en compagnie de Philippe Mollé (audio de 14:30 à 32:30). Sevan Istanboulian est juge certifié du World Barista Championship et distribue ses cafés à des endroits stratégiques. Sévanne Kordahi a su concentrer ses activités dans des domaines spécifiques et ses cafés sont fort appréciés par des groupes d’étudiants (entre autres grâce à un rabais étudiant). Puis j’ai appris dernièrement que La Maison verte servait du Café Femenino qui met de l’avant une des plus importantes dimensions éthiques du monde du café.

Pour revenir au «commun des mortels», l’amateur de café. Au-delà de la spécificité locale, je crois qu’une scène du café se bâtit par une dynamique entre individus, une série de «petites choses qui finissent par faire une différence». Et c’est cette dynamique qui me rend confiant.

La communauté des enthousiastes du café à Montréal est somme toute assez petite mais bien vivante. Et je me place dans les rangs de cette communauté.

Certains d’entre nous avons participé à divers événements ensemble, comme des dégustations et des séances de préparation de café. Les discussions à propos du café se multiplient, entre nous. D’ailleurs, nous nous croisons assez régulièrement, dans l’un ou l’autre des hauts lieux du café à Montréal. D’ailleurs, d’autres dimensions du monde culinaire sont représentés parmi nous, depuis la bière artisanale au végétalianisme en passant par le chocolat et le thé. Ces liens peuvent sembler évident mais c’est surtout parce que chacun d’entre nous fait partie de différents réseaux que la communauté me semble riche. En discutant ensemble, nous en venons à parler de plusieurs autres arts culinaires au-delà du café, ce qui renforce les liens entre le café et le reste du monde culinaire. En parlant de café avec nos autres amis, nous créons un effet de vague, puisque nous participons à des milieux distincts. C’est d’ailleurs une représentation assez efficace de ce que je continue d’appeler «l’effet du papillon social»: le battement de ses ailes se répercute dans divers environnements. Si la friction n’est pas trop grande, l’onde de choc provenant de notre communauté risque de se faire sentir dans l’ensemble de la scène du café à Montréal.

Pour boucler la boucle (avant d’aller me coucher), je dois souligner le fait que, depuis peu, le lieu de rencontre privilégié de notre petit groupe d’enthousiastes est le Café Myriade.

Café à la québécoise

J’ai récemment publié un très long billet sur la scène du café à Montréal. Sans doûte à cause de sa longueur, ce billet ne semble pas avoir les effets escomptés. J’ai donc décidé de republier ce billet, section par section. Ce billet est la troisième section après l’introduction et une section sur les cafés italiens de Montréal. Cette section se concentre sur une certaine spécificité québécoise de la scène montréalaise du café.

La scène du café à Montréal comporte plusieurs autres institutions qui ne correspondent pas vraiment à l’image du café italien. Certains de ces endroits peuvent même servir de base à la «Renaissance du café à Montréal».

Dans l’ensemble, je dirais que ces cafés sont typiquement québécois. Pas que ces cafés soient vraiment exclusifs au Québec mais il y a quelque-chose de reconnaissable dans ces cafés qui me fait penser au goût québécois pour le café.

Comme les intellos de Montréal ont longtemps eu tendance à s’identifier à la France, certains de ces cafés ont une tendance française, voire parisienne. Pas qu’on y sert des larges bols de “café au lait” (à base de café filtre) accompagnés de pain sec. Mais le breuvage de base ressemble plus au café français qu’au café italien.

D’après moi, la référence à la France a eu beaucoup d’influence sur la perception des cafés montréalais par des gens de l’extérieur. Pour une large part, cette référence était plutôt une question d’ambiance qu’une question de caractéristiques gustatives et olfactives précises. Dans un café montréalais, des Nord-Américains ayant passé du temps en France pouvaient se «rappeler l’Europe». La Rive-Gauche à l’Ouest de l’Atlantique.

Pour revenir au mode «mémoires», je pense tout d’abord à la Brûlerie Saint-Denis comme institution montréalaise de ce type. Vers la fin de mon adolescence, c’est par l’entremise de la compagne de mon frère (qui y travaillait) que j’ai connu la Brûlerie. À l’époque, il s’agissait d’un café isolé (au cœur du Plateau, qui n’était pas encore si «chromé») et non d’une chaîne avec des succursales dispersées. Ce dont je me rappelle est assez représentatif d’une certaine spécificité québécoise: un «allongé» de qualité.

L’allongé (ou «espresso allongé») n’est pas exclusif au Québec mais c’est peut-être le breuvage le plus représentatif d’un goût québécois pour le café.

En Amérique du Nord, hors du Québec, l’allongé a généralement mauvaise réputation. Selon plusieurs, il s’agit d’une surextraction de l’espresso. Avec la même quantité de café moulu que pour un espresso à l’italienne d’une once, on produit un café de deux onces ou plus en laissant l’eau passer dans le café. «Toute chose étant égale par ailleurs», une telle surextraction amène dans la tasse des goûts considérés peu agréables, comme une trop grande amertume, voire de l’astringence. En même temps, la quantité de liquide dans la tasse implique une dillution extrême et on s’attend à un café «aqueux», peu goûteux.

Pourtant, je me rappelle de multiples allongés, presque tous dégustés au Québec, qui étaient savoureux sans être astringents. Selon toute logique, ce doit être parce que la mouture du café et le mélange de grains de café ont été adaptés à la réalisation d’un allongé de qualité. Ce qui implique certaines choses pour l’«espresso serré» (ou «espresso court», donc non-allongé) s’il est réalisé avec la même mouture et le même mélange. Même à Montréal, il est rare d’avoir dans le même café un excellent espresso court et un excellent allongé.

Mais parmi les Montréalais amateurs de café, l’allongé «a la cote» et les cafés montréalais typiques font généralement un bon allongé.

Selon mon souvenir, l’allongé de la Brûlerie Saint-Denis était de qualité. J’ai eu de moins bonnes expériences à la Brûlerie depuis que l’entreprise a ouvert d’autres succursales, mais c’est peut-être un hasard.

Une autre institution de la scène montréalaise du café, situé sur le Plateau comme la Brûlerie Saint-Denis à l’origine, c’est le café Aux Deux Marie. Le Deux Marie aujourd’hui ressemble beaucoup à mon souvenir de la Brûlerie Saint-Denis. Comme à la Brûlerie, j’y ai bu des allongés de qualité. C’est au Deux Marie que j’ai découvert certains «breuvages de spécialité» (“specialty drinks”, comme les appelle le World Barista Championship). Ces breuvages, à base d’espresso, contiennent des fruits, des épices, du chocolat et d’autres ingrédients. Si je me rappelle bien, la Brûlerie fait le même genre de breuvage mais je ne me rappelle pas en avoir remarqué, il y a une vingtaine d’années.

Il y a plusieurs autres «cafés à la québécoise». Dans les institutions connues, il y a La Petite Ardoise (tout près d’Outremont, sur Laurier). C’est d’ailleurs mon premier lieu de travail puisque j’y ai été plongeur, à la fin du secondaire (1988-9). C’est un «café bistro terrasse» assez typique de la scène culinaire montréalaise. Le cappuccino et l’allongé étaient très populaires (si je me rappelle bien, on les appelait «capp» et «all», respectivement). Et je me rappelle distinctement d’une cliente d’un autre café s’enquérir de la présence du «mélange de la Petite Ardoise». Honnêtement, je n’ai aucune idée sur ce que ce mélange comprenait ni sur la maison de torréfaction qui le produisait. Ma mémoire olfactive conserve la trace du «café de la Petite», surtout que le café était la seule chose que je pouvais consommer gratuitement quand j’y travaillais. La dernière fois que j’ai bu un café à La Petite Ardoise, il a titillé ma mémoire gustative mais je crois quand même qu’il a beaucoup changé, au cours des vingt dernières années.

Une autre institution typique, le Santropol (qui est aussi connu pour ses sandwiches et tisanes). Il y a quelques années, le Santropol a commencé à torréfier du café à large échelle et leurs cafés sont désormais disponibles dans les épiceries. Mon souvenir du café au Santropol se mêle à l’image du restaurant lui-même mais je crois me rappeler qu’il était assez représentatif du café à la québécoise.

Il y a plusieurs autres endroit que j’aurais tendance à mettre dans la catégorie «café à la québécoise», depuis La Petite Patrie jusqu’à Westmount, en passant par Villeray et Saint-Henri. Mais l’idée de base est surtout de décrire un type d’endroit. Il y a une question d’ambiance qui entre en ligne de compte mais, du côté du goût du café, la qualité de l’allongé est probablement le facteur le plus déterminant.

Ce qui surprend les plus les amateurs de café (surtout ceux qui ne sont pas nés à Montréal), c’est de savoir que j’ai dégusté des allongés de qualité dans un café de la chaîne Café Dépôt. Pour être honnête, j’étais moi-même surpris, la première fois. En général, les chaînes ont énormément de difficulté à faire du café de très haute qualité, surtout si on considère la nécessité de fournir toutes les succursales avec le même café. Mais je suis retourné à la même succursale de Café Dépôt et, à plusieurs reprises, j’ai pu boire un allongé qui correspond à mes goûts. D’ailleurs, j’aurais dit la même chose de certains cafés dégustés à une succursale de la chaîne Van Houtte. Mais c’était il y a plus de dix ans et Van Houtte semble avoir beaucoup changé depuis.

L'héritage italien des cafés montréalais

J’ai récemment publié un très long billet sur la scène du café à Montréal. Sans doûte à cause de sa longueur, ce billet ne semble pas avoir les effets escomptés. J’ai donc décidé de republier ce billet, section par section. Ce billet est la deuxième section après l’introduction. Cette section se concentre sur la dimension italienne de la scène montréalaise du café.

Comme beaucoup de grandes villes nord-américaines, Montréal a longtemps bénéficié de la présence d’une importante communauté italienne. Les quartiers italiens de Montréal et de ses environs sont d’une vitalité qui fait plaisir à voir, pour quiconque s’intéresse à la vie communautaire. J’ai d’ailleurs lu plusieurs travaux d’étudiants basés sur des Italiens de Montréal et un sens de vie commune était une constante dans tous ces travaux. Pour être franc, j’ai une bouffée de sympathie simplement à penser à tout ça. Peut-être parce que mon arrière-grand-père biologique était un Cerruti? 😉

Donc, il y a un peu d’Italie à Montréal et les Italiens ont su bâtir des communautés serrées. La présence de cafés italiens aux quatre coins de la ville n’a donc rien de surprenant. Mais les implications de cette présence mérite discussion, en ce qui a trait au café.

Faut dire que je suis un peu biaisé. J’ai vraiment découvert le café lors d’un séjour en Suisse, mais c’est en partie grâce à des Italiens que j’avais été initié. Un doux souvenir d’enfance, c’est de me faire servir un pseudo-cappuccino (avec très peu de café) par le cafetier du supermarché Latina, à Cartierville. J’avais aussi le plaisir d’aller manger de la granita maison dans certains cafés italiens disperés à travers la ville. Donc, le simple fait de parler de cafés italiens me rend nostalgique.

Parlant de nostalgie, une institution montréalaise est le Caffè Italia (6840 Saint-Laurent, au cœur de la Petite-Italie). Et c’est un café assez typique de la dimension italienne de la scène montréalaise du café. C’est aussi un des cafés montréalais les plus typiques: non seulement a-t-il été utilisé comme décor pour plusieurs séries télévisées mais son nom a donné son titre à un fascinant documentaire sur les Italiens de Montréal. Le thème musical de ce film, une jolie pièce d’accordéon, a souvent été diffusée sur les ondes de Radio-Canada et a probablement contribué à ma nostalgie.

Mais je pense aussi au Caffè Italia pour son café. Mon père m’y amenait parfois, quand j’étais adolescent, et les cafés au lait que j’y ai bus ont été une base importante de mon appréciation du café.

Au cours des dernières années, près de vingt ans après l’avoir «découvert», je suis retourné au Caffè Italia à quelques reprises. Le café a pratiquement le même goût que dans mes souvenirs et l’ambiance est tout aussi typique. Ce n’est que l’année dernière, plus de dix ans après avoir passé quelques jours à Sienne, que j’ai pu remarquer qu’il y avait du panforte au Caffè Italia.

Le café du Caffè Italia est assez typique de l’espresso à l’italienne. «Mais c’est italien, l’espresso!» Oui, à l’origine. Comme certaines formes de pâtes alimentaires (qui proviennent originellement d’Asie). Mais si l’espresso est toujours associé à l’Italie dans l’esprit de plusieurs, il y a aujourd’hui d’autres conceptions de ce que peut être un espresso. C’est d’ailleurs une des bases de ce que j’essaie de décrire en ce qui concerne la scène du café à Montréal: il nous est désormais possible de déguster tant de l’espresso à l’italienne que d’autres cafés, y compris certains qui méritent pleinement l’appellation «espresso».

Donc, l’espresso à l’italienne, c’est quoi? Sans trop entrer dans le détail technique pour l’instant, c’est généralement un breuvage d’environ une once liquide préparé avec 7 g d’un mélange de cafés arabica et robusta sur une machine à espresso. Généralement, l’espresso à l’italienne peut avoir une amertume assez prononcée. Il est courant de mettre une petite quantité de sucre dans un espresso à l’italienne. Ce même espresso est la base du cappuccino et du «café au lait à l’italienne» (“caffè latte” en italien et en anglais; “café au lait” désigne autre chose en anglais). Ce «café au lait» consiste en un mélange homogène de lait chaud et d’espresso avec, contrairement à l’espresso, peu ou pas de lait moussé.

Enfin, trêve de digressions… 😉

En plus du Caffè Italia, plusieurs cafés de Montréal font l’espresso à l’italienne. Chez les amateurs anglophones de café, deux institutions situées au cœur du Mile-End sont probablement les plus connues: Café Olimpico (aussi appelé “Open Da Night” et “Olympico“) et  Club Social. De mon point de vue, les cafés du Caffè Italia, du Club Social et du Café Olimpico sont assez semblables. J’ai l’impression que la qualité était un peu plus constante chez Olimpico qu’aux deux autres, mais c’est peut-être un hasard.

Mais il y a un grand nombre d’autres cafés italiens à Montréal. Près d’où j’habitais, dans La Petite-Patrie, il y a le Café Genova qui est un digne représentant du «petit café de quartier». À mon avis, le Café Genova est même plus typique que les institutions susmentionnées.

Je pense aussi à plusieurs autres cafés dans différents coins de la ville, de Cartierville à Saint-Léonard, d’Ahuntsic à Outremont. Mais l’idée, ici, c’est pas de faire une liste des cafés de Montréal mais bien de décrire une dimension de la scène montréalaise du café.

Certains de ces cafés attirent une clientèle très locale. Au point qu’il est parfois étrange d’entrer dans un de ces cafés si on n’y connaît personne. C’est d’ailleurs une expérience ethnographique que j’aime bien, qui me fait sentir le sens de communauté. On se fait examiner des pieds à la tête et on nous adresse la parole de façon assez distante. Mais derrière une certaine froideur apparente, on devine un sentiment d’appartenance.

Un aspect intéressant à considérer, c’est que les Italiens de Montréal proviennent surtout du Sud de l’Italie. Puisque la division Nord-Sud de l’Italie est fortement marquée (y compris du point de vue linguistique), l’origine de l’immigration italienne peut être assez pertinente dans toute discussion de cette communauté. Pour le café, d’aucuns disent que les cafés du Sud de l’Italie sont de moins haute qualité que ceux du Nord. N’ayant visité que quelques endroits du Nord de l’Italie (et aucun au Sud), je ne saurais me prononcer. Mais «la rumeur veut que» le café italien montréalais soit moins impressionnant que d’autres cafés italiens à cause de la majorité «sudiste». Ça pourrait expliquer certaines différences que j’ai pu remarqué entre des cafés dégustés en Italie et ce qu’on peut boire dans les cafés italiens de Montréal, mais ça demanderait une analyse plus approfondie.

(Étrangement, j’ai l’impression que tout commentaire laissé sur ce billet va se concentrer sur ce petit détail. Ça serait un peu dommage mais je vais laisser le paragraphe en place, au risque d’avoir des commentaires moins stimulants que ce que j’aimerais avoir…)

Café à la montréalaise

Montréal est en passe de (re)devenir une destination pour le café. Mieux encore, la «Renaissance du café à Montréal» risque d’avoir des conséquences bénéfiques pour l’ensemble du milieu culinaire de la métropole québécoise.

Cette thèse peut sembler personnelle et je n’entends pas la proposer de façon dogmatique. Mais en me mêlant au milieu du café à Montréal, j’ai accumulé un certain nombre d’impressions qu’il me ferait plaisir de partager. Il y a même de la «pensée magique» dans tout ça en ce sens qu’il me semble plus facile de rebâtir la scène montréalaise du café si nous avons une idée assez juste de ce qui constitue la spécificité montréalaise.

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