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Présence féminine et culture geek (Journée Ada Lovelace) #ald09

En 2009, la journée de la femme a été hypothéquée d’une heure, dans certaines contrées qui sont passées à l’heure d’été le 8 mars. Pourtant, plus que jamais, c’est aux femmes que nous devrions accorder plus de place. Cette Journée internationale en l’honneur d’Ada Lovelace et des femmes dans les domaines technologiques est une excellente occasion pour discuter de l’importance de la présence féminine pour la pérennité sociale.

Pour un féministe mâle, le fait de parler de condition féminine peut poser certains défis. Qui suis-je, pour parler des femmes? De quel droit pourrais-je m’approprier de la parole qui devrait, selon moi, être accordée aux femmes? Mes propos ne sont-ils pas teintés de biais? C’est donc d’avantage en tant qu’observateur de ce que j’ai tendance à appeler la «culture geek» (voire la «niche geek» ou la «foule geek») que je parle de cette présence féminine.

Au risque de tomber dans le panneau du stéréotype, j’oserais dire qu’une présence accrue des femmes en milieu geek peut avoir des impacts intéressants en fonction de certains rôles impartis aux femmes dans diverses sociétés liées à la culture geek. En d’autres termes, j’aimerais célébrer le pouvoir féminin, bien plus fondamntal que la «force» masculine.

Je fais en cela référence à des notions sur les femmes et les hommes qui m’ont été révélées au cours de mes recherches sur les confréries de chasseurs, au Mali. En apparence exclusivement mâles, les confréries de chasseurs en Afrique de l’ouest accordent une place prépondérante à la féminité. Comme le dit le proverbe, «nous sommes tous dans les bras de nos mères» (bèè y’i ba bolo). Si le père, notre premier rival (i fa y’i faden folo de ye), peut nous donner la force physique, c’est la mère qui nous donne la puissance, le vrai pouvoir.

Loin de moi l’idée d’assigner aux femmes un pouvoir qui ne viendrait que de leur capacité à donner naissance. Ce n’est pas uniquement en tant que mère que la femme se doit d’être respectée. Bien au contraire, les divers rôles des femmes ont tous à être célébrés. Ce qui donne à la maternité une telle importance, d’un point de vue masculin, c’est son universalité: un homme peut ne pas avoir de sœur, d’épouse ou de fille, il peut même ne pas connaître l’identité précise de son père, il a au minimum eu un contact avec sa mère, de la conception à la naissance.

C’est souvent par référence à la maternité que les hommes conçoivent le respect le plus inconditionnel pour la femme. Et l’image maternelle ne doit pas être négligée, même si elle est souvent stéréotypée. Même si le terme «materner» a des connotations péjoratives, il fait appel à un soi adapté et sans motif spécifique. La culture geek a-t-elle besoin de soins maternels?

Une étude récente s’est penchée sur la dimension hormonale des activités des courtiers de Wall Street, surtout en ce qui a trait à la prise de risques. Selon cette étude (décrite dans une baladodiffusion de vulgarisation scientifique), il y aurait un lien entre certains taux d’hormones et un comportement fondé sur le profit à court terme. Ces hormones sont surtout présentes chez de jeunes hommes, qui constituent la majorité de ce groupe professionnel. Si les résultats de cette étude sont valables, un groupe plus diversifié de courtiers, au niveau du sexe et de l’âge, risque d’être plus prudent qu’un groupe dominé par de jeunes hommes.

Malgré d’énormes différences dans le détail, la culture geek a quelques ressemblances avec la composition de Wall Street, du moins au point de vue hormonal. Si l’appât du gain y est moins saillant que sur le plancher de la Bourse, la culture geek accorde une très large place au culte méritocratique de la compétition et à l’image de l’individu brillant et tout-puissant. La prise de risques n’est pas une caractéristique très visible de la culture geek, mais l’approche «résolution de problèmes» (“troubleshooting”) évoque la décision hâtive plutôt que la réflexion approfondie. Le rôle du dialogue équitable et respectueux, sans en être évacué, n’y est que rarement mis en valeur. La culture geek est «internationale», en ce sens qu’elle trouve sa place dans divers lieux du Globe (généralement définis avec une certaine précision en cebuees névralgiques comme la Silicon Valley). Elle est pourtant loin d’être représentative de la diversité humaine. La proportion bien trop basse de femmes liées à la culture geek est une marque importante de ce manque de diversité. Un groupe moins homogène rendrait plus prégnante la notion de coopération et, avec elle, un plus grand soucis de la dignité humaine. Après tout, le vrai humanisme est autant philogyne que philanthrope.

Un principe similaire est énoncé dans le cadre des soins médicaux. Sans être assignées à des tâches spécifiques, associées à leur sexe, la présence de certaines femmes-médecins semble améliorer certains aspects du travail médical. Il y a peut-être un stéréotype implicite dans tout ça et les femmes du secteur médical ne sont probablement pas traitées d’une bien meilleure façon que les femmes d’autres secteurs d’activité. Pourtant, au-delà du stéréotype, l’association entre féminité et relation d’aide semble se maintenir dans l’esprit des membres de certaines sociétés et peut être utilisée pour rendre la médecine plus «humaine», tant dans la diversité que dans cette notion d’empathie raisonnée, évoquée par l’humanisme.

Je ne peux m’empêcher de penser à cette remarquable expérience, il y a quelques années déjà, de participer à un colloque académique à forte présence féminine. En plus d’une proportion élevée de femmes, ce colloque sur la nourriture et la culture donnait la part belle à l’image de la mère nourricière, à l’influence fondamentale de la sphère donestique sur la vie sociale. Bien que mâle, je m’y suis senti à mon aise et je garde de ces quelques jours l’idée qu’un monde un tant soit peu féminisé pouvait avoir des effets intéressants, d’un point de vue social. Un groupe accordant un réel respect à la condition féminine peut être associé à une ambiance empreinte de «soin», une atmosphère “nurturing”.

Le milieu geek peut être très agréable, à divers niveaux, mais la notion de «soin», l’empathie, voire même l’humanisme n’en sont pas des caractéristiques très évidentes. Un monde geek accordant plus d’importance à la présence des femmes serait peut-être plus humain que ce qu’un portrait global de la culture geek semble présager.

Et n’est-ce pas ce qui s’est passé? Le ‘Net s’est partiellement féminisé au cours des dix dernières années et l’émergence du média social est intimement lié à cette transformation «démographique».

D’aucuns parlent de «démocratisation» d’Internet, usant d’un champ lexical associé au journalisme et à la notion d’État-Nation. Bien qu’il s’agisse de parler d’accès plus uniforme aux moyens technologiques, la source de ce discours se situe dans une vision spécifique de la structure social. Un relent de la Révolution Industrielle, peut-être? Le ‘Net étant construit au-delà des frontières politiques, cette vision du monde semble peu appropriée à la communication mondialisée. D’ailleurs, qu’entend-on vraiment par «démocratisation» d’Internet? La participation active de personnes diversifiées aux processus décisionnels qui créent continuellement le ‘Net? La simple juxtaposition de personnes provenant de milieux socio-économiques distincts? La possibilité pour la majorité de la planète d’utiliser certains outils dans le but d’obtenir ces avantages auxquels elle a droit, par prérogative statistique? Si c’est le cas, il en reviendrait aux femmes, majoritaires sur le Globe, de décider du sort du ‘Net. Pourtant, ce sont surtout des hommes qui dominent le ‘Net. Le contrôle exercé par les hommes semble indirect mais il n’en est pas moins réel.

Cet état des choses a tendance à changer. Bien qu’elles ne soient toujours pas dominantes, les femmes sont de plus en plus présentes, en-ligne. Certaines recherches statistiques semblent d’ailleurs leur assigner la majorité dans certaines sphères d’activité en-ligne. Mais mon approche est holistique et qualitative, plutôt que statistique et déterministe. C’est plutôt au sujet des rôles joués par les femmes que je pense. Si certains de ces rôles semblent sortir en ligne direct du stéréotype d’inégalité sexuelle du milieu du XXè siècle, c’est aussi en reconnaissant l’emprise du passé que nous pouvons comprendre certaines dimensions de notre présent. Les choses ont changé, soit. La conscience de ce changement informe certains de nos actes. Peu d’entre nous ont complètement mis de côté cette notion que notre «passé à tous» était patriarcal et misogyne. Et cette notion conserve sa signifiance dans nos gestes quotidiens puisque nous nous comparons à un modèle précis, lié à la domination et à la lutte des classes.

Au risque, encore une fois, de faire appel à des stéréotypes, j’aimerais parler d’une tendance que je trouve fascinante, dans le comportement de certaines femmes au sein du média social. Les blogueuses, par exemple, ont souvent réussi à bâtir des communautés de lectrices fidèles, des petits groupes d’amies qui partagent leurs vies en public. Au lieu de favoriser le plus grand nombre de visites, plusieurs femmes ont fondé leurs activités sur la blogosphère sur des groupes relativement restreints mais très actifs. D’ailleurs, certains blogues de femmes sont l’objet de longues discussions continues, liant les billets les uns aux autres et, même, dépassant le cadre du blogue.

À ce sujet, je fonde certaines de mes idées sur quelques études du phénomène de blogue, parues il y a déjà plusieurs années (et qu’il me serait difficile de localiser en ce moment) et sur certaines observations au sein de certaines «scènes geeks» comme Yulblog. Lors de certains événements mettant en contacts de nombreuses blogueuses, certaines d’entre elles semblaient préférer demeurer en groupe restreint pour une part importante de la durée de l’événement que de multiplier les nouveaux contacts. Il ne s’agit pas ici d’une restriction, certaines femmes sont mieux à même de provoquer l’«effet du papillon social» que la plupart des hommes. Mais il y a une force tranquille dans ces petits regroupements de femmes, qui fondent leur participation à la blogosphère sur des contacts directs et forts plutôt que sur la «pêche au filet». C’est souvent par de très petits groupes très soudés que les changements sociaux se produisent et, des “quilting bees” aux blogues de groupes de femmes, il y a une puissance ignorée.

Il serait probablement abusif de dire que c’est la présence féminine qui a provoqué l’éclosion du média social au cours des dix dernières années. Mais la présence des femmes est liée au fait que le ‘Net ait pu dépasser la «niche geek». Le domaine de ce que certains appellent le «Web 2.0» (ou la sixième culture d’Internet) n’est peut-être pas plus démocratique que le ‘Net du début des années 1990. Mais il est clairement moins exclusif et plus accueillant.

Comme ma tendre moitié l’a lu sur la devanture d’une taverne: «Bienvenue aux dames!»

Les billets publiés en l’honneur de la Journée Ada Lovelace devaient, semble-t-il, se pencher sur des femmes spécifiques, œuvrant dans des domaines technologiques. J’ai préféré «réfléchir à plume haute» au sujet de quelques éléments qui me trottaient dans la tête. Il serait toutefois de bon ton pour moi de mentionner des noms et de ne pas consigner ce billet à une observation purement macroscopique et impersonnelle. Étant peu porté sur l’individualisme, je préfère citer plusieurs femmes, plutôt que de me concentrer sur une d’entre elles. D’autant plus que la femme à laquelle je pense avec le plus d’intensité dit désirer garder une certaine discrétion et, même si elle blogue depuis bien plus longtemps que moi et qu’elle sait très bien se débrouiller avec les outils en question, elle prétend ne pas être associée à la technologie.

J’ai donc décidé de procéder à une simple énumération (alphabétique, j’aime pas les rangs) de quelques femmes dont j’apprécie le travail et qui ont une présence Internet facilement identifiable. Certaines d’entre elles sont très proches de moi. D’autres planent au-dessus de milieux auxquels je suis lié. D’autres encore sont des présences discrètes ou fortes dans un quelconque domaine que j’associe à la culture geek et/ou au média social. Évidemment, j’en oublie des tonnes. Mais c’est un début. Continuons le combat! 😉

Blogging and Literary Standards

I wrote the following comment in response to a conversation between novelist Rick Moody and podcasting pioneer Chris Lydon:

Open Source » Blog Archive » In the Obama Moment: Rick Moody.

In keeping with the RERO principle I describe in that comment, the version on the Open Source site is quite raw. As is my habit, these days, I pushed the “submit” button without rereading what I had written. This version is edited, partly because I noticed some glaring mistakes and partly because I wanted to add some links. (Blog comments are often tagged for moderation if they contain too many links.) As I started editing that comment, I changed a few things, some of which have consequences to the meaning of my comment. There’s this process, in both writing and editing, which “generates new thoughts.” Yet another argument for the RERO principle.

I can already think of an addendum to this post, revolving on my personal position on writing styles (informed by my own blogwriting experience) along with my relative lack of sensitivity for Anglo writing. But I’m still blogging this comment on a standalone basis.

Read on, please… Continue reading Blogging and Literary Standards

Beer and Science

The weekly SciAm Podcast Science Talk had an interview with UCDavis beer science professor Charles Bamforth. The interview was mostly concerned with Bamforth’s 2003 book on beer and science. Many of the things discussed on the program are common knowledge for most beer geeks but it’s still fun to have science media cover some part of the beer world.

As explained in this interview, beer is a much more complex beverage than wine. In North America, many people seem to associate wine with sophistication and beer with college drinking. The interview does fairly little to debunk these associations but does give some idea of how interesting beer can be from a scientific perspective.

Rethinking Peer-Review and Journalism

Can’t find more information just now but on the latest episode of ScienceTalk (SciAm‘s weekly podcast)

Scientific American editor-in-chief John Rennie discusse[d] peer review of scientific literature, the subject of a panel he recently served on at the World Conference of Science Journalists

I hope there will be more openly available information about this panel and other discussions of the peer-review process.

Though I do consider the peer-review process extremely important for academia in general, I personally think that it could serve us more if it were rethought.  Learning that such a panel was held and hearing about some of the comments made there is providing me with some satisfaction. In fact, I’m quite glad that the discussion is, apparently, thoughtful and respectful instead of causing the kind of knee-jerk reaction which makes many a discussion inefficient (including in academic contexts).

Performance, Expertise, Ingenuity

Wow!

Haven’t read Dr. Atul Gawande’s Better: A Surgeon’s Notes on Performance yet, but from an interview with Gawande on the Science Talk Podcast, it seems that his “systems” approach to his field is almost anthropological. In fact, much of the interview sounded like they would fit in discussions among medical anthropologists, including the importance of ingenuity in medical practise, local conceptions of health, social responsibility, etc.

It also goes well with a previous Science Talk interview with Dr. Christopher Cowley about which I previously blogged. That one had to do with a polemical article on medical ethics published (available as PDF). In that article, Cowley called for open discussion on medical training by making a few recommendations, some of which having to do with giving physicians a broader training. As could be expected, that article generated strong reaction, especially on the part of medical doctors. I sincerely hope that Gawande’s book will generate thoughtful discussion but I get the impression that medical specialists tend to react very strongly at the suggestion that some of the things they do could be improved outside of the strict training they receive. In other words, it seems that physicians and surgeons are unwilling to challenge some broad ideas about their fields. Of course, they’re strongly motivated to improve their practise and enhance their expertise. But it seems rare, in medical fields, to be taking a step back from practise and look at the broad picture.

To me, this is related to both extreme specialisation and to the social status afforded medical professionals.

Some anecdotal examples relating to my thinking about medical fields.

A friend of mine who’s whose [doh!] girlfriend is a student in medicine keeps teasing doctors by calling medicine a “technique.” Another friend, herself a student in medicine, says that it is frequent at the medical school where she is to portray medical students as an intellectual elite («crème de la crème»). Health professionals I know frequently say that one problem in the health system (especially in Quebec) is that physicians and surgeons have too much power. And, in my own experience, those physicians who have been best able to help me were those who took a broader view of health, outside of the strict application of well-remembered guidelines.

One argument against such discussions of what medicine could be revolve around the idea that “a good doctor is someone who has been well-trained.” Often phrased in the “if you had to go through surgery, wouldn’t you want the best surgeon to perform the operation?” (with the assumption that “the best surgeon” is someone who has the most credentials). This perspective is quite common in North America and it relates to a whole ideology of evaluation. Something similar is said about “the best students” (who are likely to be the ones getting “good grades”). What’s missing from it, IMHO, is mostly a notion of appropriateness, flexibility, ingenuity.

So Gawande’s book is sure to stir up some interesting ideas. Especially if medical professionals stop foaming at the mouth and actually spend a few hours thinking in a broader frame about the things they do.

Effort vs. Talent

Fascinating overview by Philip Ross on the notion of expertise from a psychological perspective. An article has been published in Scientific American and the magazine’s podcast has a segment with Ross.

One interesting issue is the very emphasis on expertise. Experts, like race horses, are heavily specialized. Examples in the article are mostly from chess and musical composition in the classical style. The study refers to “effortful study” which sounds a lot like Csikszentmihalyi’s notion of flow. In both cases, performance and achievement are allegedly easy to assess. But, well, where’s the fun?

Ross talks about golfers who stopped improving because they always play with the same people. But what some people seem to forget is that playing golf without improving can in fact be quite fun, especially if golf is just a part of the complete activity.

In the interview, Ross does allude to the link, common in the U.S., between schooling and work training. Schools are there to prepare a workforce and improving society as a whole is less important.

An important claim in the article and in the interview is that talent, if it does exist, is less influential than some people seem to think. We see similar things in music, especially if we adopt a broader perspective than simply thinking about skills. “Talented” musicians, those who have a specific predisposition for some musical practise, can succeed in many ways but music doesn’t simply progress by accumulation of skills. This notion is quite important in Ross’s article. Today’s experts are now more numerous and more proficient than during previous generations. Part of this must have to do with today’s emphasis on expertise (people are becoming over-specialized just to fit in the workplace). There’s also the well-known “standing on the shoulders of giants” principle, which accounts for the rapidity in training (although today’s Ph.D. candidates are, on average, much older than previous generations of Ph.D. holders!).

A lot of other things to think about this. But, recently, my policy has been to blog in short bursts. Hey, it’s fun!