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Ethnic Diversity and Post-Nationalism

I normally don’t enjoy Quora. But I was just asked an anonymous question there which made me react. It’s close to the kind of question I get in my intro-level courses in sociology or anthropology, so I like to “do my job” of elucidating these issues.

Here’s the question:

Can there be such a thing as too much diversity?
Up until recently the rule for all immigrants was “When in Rome do as the Romans do.” This appears to have been replaced by “We’re not going to integrate but live as we did back home.”

Is it possible that at some point diversity becomes a detriment that divides society? Just look at how segregated some cities have become

Here’s my answer:

Funnily enough, I’m preparing an exam on material where this very issue appears. Unfortunately, this material isn’t online.
One of sociology’s core perspectives, functionalism, had “extreme diversity” among the conditions under which social order breaks down. The idea, there, was that it went against society’s integration, since the model was based on well-delimited groups.
That theory has been challenged multiple times. For one thing, very few groups have been that well-integrated. The modern notion of “what The Romans were” comes from a biased view and a limited understanding of what went on at the time. In fact, an episode of the Entitled Opinions podcast contains useful discussions of the very issue.

Same thing can be said about a number of other societies, including contemporary ones.
And this is where things get interesting. We’re probably living a transition from a period marked by the Nation-State (19th and 20th Centuries) to a period marked by fluid groupings, including social networks.
In the Nation-State (contemporary Somalia and Japan, along with the fiction of 19th Century France and possibly a short period of time in Ancient Rome), ethnic homogeneity is presumed and ethnicity is managed through a very complex bureaucratic system related to citizenship. The way ethnic groups are treated then is based on what Benedict Anderson called “Imagined Communities”.
In more fluid systems, which include most of human history, diversity is taken for granted and social integration comes from other dimensions of social life.
In the current context, we have an unusual mixture of rigid Nation-State identities in parallel with the reality of transnationalism, postnationalism, Globalization, and blurred boundaries.
So, to answer the question: is it so clear what the limits of the group are? If so, what are those limits based on? If not, why would diversity be a problem?

For those interested in fluid boundaries, a classic work is Norwegian anthropologist Fredrik Barth’s “Ethnic Groups and Boundaries”.

Grapho-fétichistes et discrimination

Les nostalgiques s’emballent, les romantiques se renfrognent, les alarmistes s’exclament, les sentimentalistes se morfondent. Mais ceux d’entre nous qui préfèrent regarder vers l’avenir se réjouissent. Optimistes, idéalistes, naïfs, jeunes, enthousiastes, amants du renouveau. Nous vivrons heureux.

J’écris mal. Très mal. C’est ce qu’on m’a dit toute ma vie. Ma «main d’écriture» est atroce. Ma caligraphie est horrible. «Tu écris comme un médecin», se moque-t-on. La honte. L’opprobre. L’insatisfaction. La discrimination.

Sérieux. Mon séjour aux écoles primaires et secondaires fut dominé par mes problèmes de caligraphie. À l’époque (de la fin des années 1970 à la fin des années 1980), c’était presqu’une condamnation, de la part du milieu scolaire (encore sclérosé). Non, on ne m’a pas tapé sur les doigts. Oui, on m’a «laissé faire». Mais on m’a jugé. On a utilisé mon écriture, ma caligraphie, contre moi.

Tel ce prof de français «enrichi», en Secondaire III qui m’a avoué, après que je me sois lié d’amitié avec lui, que la première fois qu’il a vu mon écriture, il me croyait avoir été mal classé, souffrant peut-être de déficience intellectuelle. Pour quelqu’un qui a officiellement été désigné comme «débile» à la naissance, c’est frappant comme commentaire.

On a cherché à expliquer mon manque d’aptitude pour l’écriture cursive. D’aucuns blâment mes yeux. Soit mon manque d’acuité visuelle (presbytie, myopie, astigmatisme). Ou mon strabisme. Ou ma latéralisation puisque, selon mon optométriste préféré, je suis gaucher (même si j’écris de la main droite). Quoi qu’il en soit, mon écriture manuscripte a été l’objet de nombreuses discussions. Évidemment, faut s’y attendre quand on a une mère ergothérapeute spécialisée en stimulation précoce, un père psycho-pédagogue spécialisé en dyslexie et une certaine facilité dans les matières scolaires…

J’ai parlé de «discrimination». Le mot est fort. Je l’assume, mais avec réserve. Je n’essaie pas de comparer l’attitude des gens face à mon écriture à de véritables actes discriminatoires. Je n’essaie même pas de dire qu’on ne m’a «donné aucune chance dans la vie», à cause de mon écriture ou quelque autre caractéristique. Mais j’ai longtemps été ostracisé par mes pairs.

«J’écris pas pour me plaindre, j’avais juste le goût de parler.» L’attention qu’on a portée à mon problème d’écriture n’était pas vraiment néfaste. En fait, elle m’a probablement permis de développer divers éléments de ma personalité. Au Cégep, l’illisibilité d’une de mes copies d’examen de philo m’a valu une faveur déguisée. Puisque le prof ne pouvait lire mon écriture, il m’a demandé de la lire moi-même. Ce faisant, j’ai pu donner à mes mots l’intonation qu’ils semblaient mériter. Je déteste le favoritisme, surtout quand j’en suis l’objet. Mais je crois qu’en cette circonstance, le privilège qui m’a été accordé était approprié. D’ailleurs, je crois bien que le prof m’aurait donné la même note s’il avait pu lire ma copie par lui-même.

Encore là, on me mettait à part. J’ai l’habitude, vous savez. Surtout à l’école.

De l’ostracisme contre le «maudit français» qu’on percevait en moi (mon père est Suisse et mon français parlé était plus européen que québécois) à la difficulté de me lier d’amitié avec qui que ce soit en raison de mon isolement constant. En passant par le fait que, n’ayant pas été baptisé, j’étais exclus de tous les sacrements catholiques qui unissaient les élèves de mon école. J’étais aussi le seul «enfant du divorce», dans cette école. Du moins, durant les premières années (mes parents se sont séparés au cours de ma première année scolaire). Par la suite, le divorce est devenu chose courante mais on ne m’a pas accordé plus d’intérêt pour autant. Mon strabisme, que certains peuvent aujourd’hui trouver «charmant» m’a longtemps convaincu de l’inesthétisme de mon visage. Jusqu’à ce jour, je me réjouis en voyant le strabisme accepté (à l’occasion) par le public télévisuel.

En contraste avec ma position en milieu scolaire, je jouissais d’une place de choix dans un milieu familial et social qui comptait surtout des adultes. Un peu l’animal de cirque d’un cercle de gens intéressés par l’apprentissage (y compris plusieurs profs). Dès mon plus jeune âge, j’ai eu la chance d’avoir de longues discussions avec des personnes fascinantes, généralement beaucoup plus âgées que moi. C’est sans doute ce qui m’a fait passer pour un type intéressant, pendant un temps.

Toujours est-il que je n’ai jamais été comme les autres. Et mon écriture le prouvait. Il y a fort à parier que mon écriture soit devenue, pour moi, une façon de m’approprier mon individualité. Pas vraiment une révolte contre l’autorité. Une négotiation avec elle. Une représentation frappante de mon amour du désordre.

Par ailleurs, mon manque de «talent» pour la calligraphie m’a clairement poussé dans une direction inverse à celle de l’artiste visuel. Pas tellement surprenant pour quelqu’un qui porte des lunettes depuis l’âge de deux ans mais je me suis jamais senti poussé vers le visuel. J’admire bien certains objets mais ma sensibilité visuelle est quasi-nulle. J’aime écouter et parler. C’est en m’éloignant des «arts plastiques» au début du secondaire que je suis devenu saxophoniste. C’est en devenant musicien que je suis devenu anthropologue. C’est en devenant anthropologue que j’ai commencé à être accepté. Tout ça à cause de mes yeux, diraient certains. Ils ont peut-être raison.

Ma motivation à écrire ce billet provient d’une discussion plutôt dérangeante pour moi, au cours d’un épisode de la balado-diffusion Open Source animée par Christopher Lydon. Toujours friands d’actualité (!), l’équipe de Lydon a décidé de sonner le signal d’alarme: l’écriture cursive disparaît et, avec elle, toute trace de «civilisation». Comme dit l’autre: «tout fout l’camp!». J’exagère à peine.

Invités lors de cet épisode, deux spécialistes de caligraphie (qui ont toutes deux échoué lors de leurs cours de caligraphie à l’école primaire), un graphologue et un graphiste. Les deux premières fétichisent les lettres manuscriptes, les associant à toutes sortes de valeurs sociales (une d’entre elles compare d’ailleurs la caligraphie à un complet veston d’homme d’affaires). Le troisième défend son travail en expliquant que des entreprises françaises, des joalliers et des services secrets utilisent la graphologie pour distinguer des candidats à divers postes. Profond?

Mon opinion des graphologues en tant que déterministes réductionnistes est supportée par plusieurs commentaires d’un d’entre eux, Roger Rubin, lors de cet épisode d’Open Source. Percevant une corrélation entre l’hyperactivité et la diminution de l’importance de la caligraphie, il assigne la causalité d’un phénomène psychique complexe à la simple écriture manuscrite. Fascinant! Même McLuhan était plus prudent!

D’ailleurs, d’autres invités parlent de ce que les études ont «démontré» («hors de tout doute») au sujet des rapports entre cognition et caligraphie. J’aimerais vraiment savoir ce que ça implique pour les non-voyants, les paraplégiques et tous ceux qui, comme moi, ont moins de facilité avec l’écriture manuscrite qu’avec d’autres moyens de communication.

La voix de la raison se fait entendre, vers la fin du programme, par la bouche du graphiste Chris Lozos. Plutôt que de lamenter la perte de l’écriture cursive si chère aux autres intervenants, il parle de l’écriture cursive comme d’un outil facilitant ou suppléant à certains types de communication. Toutefois, Lozos lui-même sombre à son tour dans l’extrapolation abusive, maugréant contre l’utilisation de la messagerie instantanée cause de la pensée mal formée. J’ai bien hâte que les membres de cette génération anxieuse aient fini de prendre ses opinions sur les générations plus jeunes comme des observations pertinentes.

Non, j’ai rien contre les générations qui nous ont précédé la nôtre. Et la nostalgie fait partie de mon quotidien. Simplement, ce dont je m’ennuie, ce n’est pas l’époque du cours classique et des religieuses autoritaires qui enjoignaient nos parents à s’asseoir dans la posture la plus droite possible (ce qui, soit dit en passant, n’est peut-être pas la meilleure posture).

L’animateur Lydon et Brendan Greeley (celui qui surveille le blogue) ont toutefois parlé de façon indirecte de différentiation sexuelle et d’écriture. Les jeunes filles qui «trippent» sur le papier, les vieilles dames que nous rappelle la notion d’écriture cursive. Personnellement, j’ai pas besoin de l’écriture cursive pour faire valoir mon côté féminin. Et, ne vous en déplaise, je ressens tout autant d’émotion à la lecture d’un message électronique bien senti qu’à la réception d’une lettre manuscrite.

C’est d’ailleurs le point central. Les nouvelles technologies de l’information et des communications nous éloignent de l’écriture cursive. Ça tombe bien pour moi.