J’ai récemment publié un très long billet sur la scène du café à Montréal. Sans doûte à cause de sa longueur, ce billet ne semble pas avoir les effets escomptés. J’ai donc décidé de republier ce billet, section par section. Ce billet est la deuxième section après l’introduction. Cette section se concentre sur la dimension italienne de la scène montréalaise du café.
Comme beaucoup de grandes villes nord-américaines, Montréal a longtemps bénéficié de la présence d’une importante communauté italienne. Les quartiers italiens de Montréal et de ses environs sont d’une vitalité qui fait plaisir à voir, pour quiconque s’intéresse à la vie communautaire. J’ai d’ailleurs lu plusieurs travaux d’étudiants basés sur des Italiens de Montréal et un sens de vie commune était une constante dans tous ces travaux. Pour être franc, j’ai une bouffée de sympathie simplement à penser à tout ça. Peut-être parce que mon arrière-grand-père biologique était un Cerruti? 😉
Donc, il y a un peu d’Italie à Montréal et les Italiens ont su bâtir des communautés serrées. La présence de cafés italiens aux quatre coins de la ville n’a donc rien de surprenant. Mais les implications de cette présence mérite discussion, en ce qui a trait au café.
Faut dire que je suis un peu biaisé. J’ai vraiment découvert le café lors d’un séjour en Suisse, mais c’est en partie grâce à des Italiens que j’avais été initié. Un doux souvenir d’enfance, c’est de me faire servir un pseudo-cappuccino (avec très peu de café) par le cafetier du supermarché Latina, à Cartierville. J’avais aussi le plaisir d’aller manger de la granita maison dans certains cafés italiens disperés à travers la ville. Donc, le simple fait de parler de cafés italiens me rend nostalgique.
Parlant de nostalgie, une institution montréalaise est le Caffè Italia (6840 Saint-Laurent, au cœur de la Petite-Italie). Et c’est un café assez typique de la dimension italienne de la scène montréalaise du café. C’est aussi un des cafés montréalais les plus typiques: non seulement a-t-il été utilisé comme décor pour plusieurs séries télévisées mais son nom a donné son titre à un fascinant documentaire sur les Italiens de Montréal. Le thème musical de ce film, une jolie pièce d’accordéon, a souvent été diffusée sur les ondes de Radio-Canada et a probablement contribué à ma nostalgie.
Mais je pense aussi au Caffè Italia pour son café. Mon père m’y amenait parfois, quand j’étais adolescent, et les cafés au lait que j’y ai bus ont été une base importante de mon appréciation du café.
Au cours des dernières années, près de vingt ans après l’avoir «découvert», je suis retourné au Caffè Italia à quelques reprises. Le café a pratiquement le même goût que dans mes souvenirs et l’ambiance est tout aussi typique. Ce n’est que l’année dernière, plus de dix ans après avoir passé quelques jours à Sienne, que j’ai pu remarquer qu’il y avait du panforte au Caffè Italia.
Le café du Caffè Italia est assez typique de l’espresso à l’italienne. «Mais c’est italien, l’espresso!» Oui, à l’origine. Comme certaines formes de pâtes alimentaires (qui proviennent originellement d’Asie). Mais si l’espresso est toujours associé à l’Italie dans l’esprit de plusieurs, il y a aujourd’hui d’autres conceptions de ce que peut être un espresso. C’est d’ailleurs une des bases de ce que j’essaie de décrire en ce qui concerne la scène du café à Montréal: il nous est désormais possible de déguster tant de l’espresso à l’italienne que d’autres cafés, y compris certains qui méritent pleinement l’appellation «espresso».
Donc, l’espresso à l’italienne, c’est quoi? Sans trop entrer dans le détail technique pour l’instant, c’est généralement un breuvage d’environ une once liquide préparé avec 7 g d’un mélange de cafés arabica et robusta sur une machine à espresso. Généralement, l’espresso à l’italienne peut avoir une amertume assez prononcée. Il est courant de mettre une petite quantité de sucre dans un espresso à l’italienne. Ce même espresso est la base du cappuccino et du «café au lait à l’italienne» (“caffè latte” en italien et en anglais; “café au lait” désigne autre chose en anglais). Ce «café au lait» consiste en un mélange homogène de lait chaud et d’espresso avec, contrairement à l’espresso, peu ou pas de lait moussé.
Enfin, trêve de digressions… 😉
En plus du Caffè Italia, plusieurs cafés de Montréal font l’espresso à l’italienne. Chez les amateurs anglophones de café, deux institutions situées au cœur du Mile-End sont probablement les plus connues: Café Olimpico (aussi appelé “Open Da Night” et “Olympico“) et Club Social. De mon point de vue, les cafés du Caffè Italia, du Club Social et du Café Olimpico sont assez semblables. J’ai l’impression que la qualité était un peu plus constante chez Olimpico qu’aux deux autres, mais c’est peut-être un hasard.
Mais il y a un grand nombre d’autres cafés italiens à Montréal. Près d’où j’habitais, dans La Petite-Patrie, il y a le Café Genova qui est un digne représentant du «petit café de quartier». À mon avis, le Café Genova est même plus typique que les institutions susmentionnées.
Je pense aussi à plusieurs autres cafés dans différents coins de la ville, de Cartierville à Saint-Léonard, d’Ahuntsic à Outremont. Mais l’idée, ici, c’est pas de faire une liste des cafés de Montréal mais bien de décrire une dimension de la scène montréalaise du café.
Certains de ces cafés attirent une clientèle très locale. Au point qu’il est parfois étrange d’entrer dans un de ces cafés si on n’y connaît personne. C’est d’ailleurs une expérience ethnographique que j’aime bien, qui me fait sentir le sens de communauté. On se fait examiner des pieds à la tête et on nous adresse la parole de façon assez distante. Mais derrière une certaine froideur apparente, on devine un sentiment d’appartenance.
Un aspect intéressant à considérer, c’est que les Italiens de Montréal proviennent surtout du Sud de l’Italie. Puisque la division Nord-Sud de l’Italie est fortement marquée (y compris du point de vue linguistique), l’origine de l’immigration italienne peut être assez pertinente dans toute discussion de cette communauté. Pour le café, d’aucuns disent que les cafés du Sud de l’Italie sont de moins haute qualité que ceux du Nord. N’ayant visité que quelques endroits du Nord de l’Italie (et aucun au Sud), je ne saurais me prononcer. Mais «la rumeur veut que» le café italien montréalais soit moins impressionnant que d’autres cafés italiens à cause de la majorité «sudiste». Ça pourrait expliquer certaines différences que j’ai pu remarqué entre des cafés dégustés en Italie et ce qu’on peut boire dans les cafés italiens de Montréal, mais ça demanderait une analyse plus approfondie.
(Étrangement, j’ai l’impression que tout commentaire laissé sur ce billet va se concentrer sur ce petit détail. Ça serait un peu dommage mais je vais laisser le paragraphe en place, au risque d’avoir des commentaires moins stimulants que ce que j’aimerais avoir…)
Bonsoir, merci de ton passage sur ma toscane.
très bel article sur les cafés !
A bientôt
paola
@Paola Et merci à toi d’être passée par ici!
Je n’ai passé que quelques jours en Toscane (Sienne, Florence, San Gimignano) mais c’était un séjour très agréable. Surtout du côté culinaire. À l’époque, je travaillais en Suisse et le franc suisse était à 1400 lires. Alors, pour nous, un repas gargantuesque à 60 000 lires, c’était la bonne affaire du siècle! 😎
Ah, tu me rends nostalgique, tiens!