versac: Pourquoi le blog de journaliste n’a (presque) plus de raison d’être
Enfin, avec le temps, on se rend compte que le blog est surtout un outil pour donner la parole à ceux qui ne l’avaient pas, et non pour donner un espace supplémentaire à ceux qui l’avaient déjà.
Mais, justement, pourquoi «avec le temps»? C’était pas le cas depuis le début?
Selon Benedict Anderson, le journalisme a été à la base du nationalisme. Est-ce que les blogues vont être à la base du post-nationalisme?
Dans un cas comme dans l’autre, le journalisme doit s’adapter sans nécessairement tenter de faire comme les blogues. Plus encore, les journalistes doivent comprendre que les blogues ne sont qu’une dimension parmi tant d’autres de ce qui change la donne, pour eux. Les téléphones cellulaires, les réseaux sociaux ouverts, la transparence dans les communications d’entreprise ainsi que plusieurs des aspects du Manifeste des évidences doivent pousser les journalistes à repenser leur pratique.
Mais il ne faut pas oublier que seulement très peu de journalistes donnent “leur avis” sur les sujets qu’ils traitent. À moins d’être éditorialistes, chroniqueurs ou autres, on peut pas toujours donner son point de vue dans un article. Et donc dans ce cas, le blog devient une facon comme une autre pour le journaliste de participer au débat public puisqu’avant d’être journaliste, il est avant tout …un citoyen qui des opinions comme tout le monde sur différents sujets.
Quand aux nouvelles formes pour la pratique du journalisme, je pense qu’il faut faire une différence entre ce que devra l’entité derrière le journaliste (le groupe média en tant que tel) et le journaliste individuel.
T’en fais pas, mon vieux, on n’oublie rien de tout ça. En fait, nous (internautes non-journalistes) observons tous ce genre de phénomène avec un certain intérêt et même une dose d’amusement. Les journalistes découvrent, à travers le blogue, d’autres formes d’écriture que ce qu’ils pratiquaient à l’époque. Pourtant, le blogue n’est qu’une technologie, non pas un «média». La technologie (l’ensemble d’outils) avait pour fonction de base de donner aux gens la possibilité de facilement rendre publics («publier»/«publiciser») des écrits d’individus qui n’avaient jusqu’alors pas l’occasion d’être lus. Il y a d’abord eu le journal intime de l’internaute mais, très vite (avec la chute de la Bulle Internet), ce fut une stratégie de gestions des rapports sociaux nés d’une prise de parole par la «majorité silencieuse» (qui, comme la société en général, était formée de multiples minorités plus ou moins audibles). En d’autres termes, ce que le blogue rend possible, ce n’est pas un nouveau canal de diffusion. C’est une nouvelle structure post-journalistique.
Le journalisme a été influent lors de la Révolution industrielle en unifiant des entités sociales, les «communautés imaginaires» dont parle Anderson. À l’époque, il y avait un sentiment d’appartenance qui se développait. Le journalisme servait un lectorat spécifique. Dans l’histoire récente du journalisme (sociétés post-industrielles), la question du financement est dominante. Par ses caractéristiques de base, le blogue change cette structure. Le blogue est utilisé par des communautés fluides, qui n’attendent pas les entités médiatiques pour former des liens sociaux flexibles.
C’est déjà de l’«histoire ancienne» pour plusieurs personnes mais, un jour, le journalisme va s’être adapté. Plusieurs profs de journalisme comprennent (Siva Vaidhyanathan, par exemple) mais la transition prend du temps à se faire.
En attendant, je fais une différence fondamentale entre journalistes et journalisme. Le journalisme se transforme lentement, les journalistes changent chacune à leur rythme.