Virage à droite?

Viens de finir de regarder la couverture télé des élections. Assez intéressante, comme situation.

Pour répondre à une amie qui croit y voir un virage à droite, petite analyse à chaud.

Comme le PCC est le seul représentant de la droite au Canada et qu’ils ont obtenu 36% des votes (et ont remporté 124/308 sièges), c’est assez difficile de parler d’une montée significative de la droite au Canada.
Surtout que le premier ministre a beaucoup moins de pouvoir ici qu’un président américain, par exemple.
En fait, la gauche canadienne a gagné du terrain, entre autres avec les Néo-Démocrates qui ont gagné des points importants. Dix sièges de plus qu’en 2004, des victoires décisives en Colombie-Britannique, un million de votes de plus, un message clair, des appuis importants…

Ce qui est assez intéressant, c’est que les Canadiens ne semblent pas vraiment voter sur des questions de latéralisation sur le spectre politique habituel gauche/droite, comme dans d’autres pays (en France, qui a donné des noms à ces côtés, ou aux États-Unis, où il s’agit d’une guerre de cultures). Les électeurs ont surtout sorti le parti Libéral qui a été embourbé dans des scandales. C’est encore plus clair au Québec qu’ailleurs où les Libéraux sont à un des points les plus bas de l’histoire du pays.
D’ailleurs, au Québec, les questions de latéralisation ont relativement peu d’importance en général. Et le vote des Québécois au niveau fédéral, c’est souvent un vote qui a des buts assez spécifiques.

Une façon de voir tout ça, c’est un mouvement vers la décentralisation. Le PCC, qui admet représenter prioritairement les provinces de l’Ouest tout en ayant fait des gains importants dans le Centre et l’Est du pays, favorise l’unification du pays dans son ensemble mais semble prêt à donner plus de pouvoir aux provinces. En fait, certains souverainistes prévoyaient depuis 1993 que si l’ancien Reform Party (qui a fusionné avec les Progressistes-Conservateurs pour éventuellement former le PCC) remportait un jour les élections, ce serait idéal pour la souveraineté du Québec. Même si le Québec se situe généralement vers la gauche, ses votes fédéraux ont d’autres motivations. Duceppe, du Bloc québécois, insinuait même que les Conservateurs au pouvoir auraient une influence positive sur le Québec. Les Blocquistes sont probablement déçus d’avoir perdus quelques sièges aux mains des Conservateurs, mais la situation est assez bonne pour eux.
Les dix sièges que le PCC a gagnés au Québec sont très importants politiquement, mais ils ne semblent vraiment pas démontrer un mouvement vers la droite au Québec. C’est difficile de connaître les idées des électeurs de ces régions (autour de la ville de Québec,
entre autres), mais certains points ont pu les animer. Un dégoût pour les Libéraux fédéraux, une volonté de participer au pouvoir, un certain opportunisme, un désir de changement et une volonté de déserrer l’étau centralisateur que les Libéraux et les anciens Conservateurs ont longtemps maintenu. Faut dire aussi que le Québec votaient alternativement pour les Libéraux ou les Conservateurs selon diverses tendances internes qui n’ont jamais présagé de virage vers la droite où la gauche. Une autre façon de le dire, le Québec est la partie la plus imprévisible d’élections fédérales canadiennes.

Stephen Harper et le PCC ont proposé un programme clair qui a toutes les chances de ne jamais être mis en place. Harper lui-même est explicite à propos du fait qu’un mandat clair ne lui avait pas été donné. Oui, il va pouvoir installer des gens de droite dans son cabinet. Mais il n’aura pas la possibilité de faire passer ce qu’il veut. Puisqu’il s’agit d’un système parlementaire et que son
gouvernement est minoritaire, les questions les plus litigieuses feront l’objet d’énormément de négociations entre les députés élus (Conservateurs, Libéraux, Blocquistes, Néo-Démocrates et un Indépendant au Québec). Contrairement à d’autres endroits, les députés ne voteront pas nécessairement de façon strictement partisane. Pour prendre un exemple concret, on ne partirait pas en guerre par la simple volonté de M. Harper.

En fin de compte, ça rend surtout la politique canadienne plus intéressante. Que ce soit un résultat décevant pour plusieurs (y compris pour des Conservateurs qui rêvaient d’un gouvernement majoritaire), c’est un fait. Mais c’est moins un mouvement clair qu’une série de transformations intéressantes.

En d’autres termes, si Harper essaie de mettre sur la table des politiques trop extrêmes, ses décisions seront constamment renversées.
Les Conservateurs se préparent surtout pour un deuxième mandat mais ils doivent faire leurs preuves pour l’obtenir.

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