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Déjà 1 374 jours depuis mon retour à Montréal

Ma réponse à une discussion sur MtlUrb, à propos du retour à Montréal (dans le contexte de la perception d’un mouvement de personnes vers l’extérieur de Montréal).

Version courte: depuis que je suis revenu à Montréal, je me rends compte qu’il fait bon y vivre.

Je suis né à Montréal en 1972 et, à part des voyages occasionnels, je n’ai pas vécu ailleurs jusqu’en 1994. Par contre, de 1994 à 2008, j’ai déménagé un grand nombre de fois.

Le premier de ces déménagements était vers Lausanne (en Suisse), la ville natale de mon père. J’y ai passé quinze mois dans d’excellentes conditions. D’ailleurs, si la Suisse vivait une sorte de crise économique à l’époque, le climat social était généralement assez positif pour des gens comme moi. Je m’y suis donc senti à mon aise.

Lorsque j’ai quitté Lausanne pour revenir à Montréal, en août 1995, je suis passé d’un milieu où les questions financières étaient taboues à un contexte où les problèmes d’argent dominaient toutes les conversations. Mon impression du Québec en 1995 était celle d’un marasme profond, surtout causé par la situation économique. Ma propre situation financière était relativement positive (elle s’est détérioriée assez rapidement), mais je me sentais comme si tout allait mal pour tout le monde. Les indicateurs économiques de l’époque contredisent probablement mon impression, mais c’est là la grande différence entre une approche macroscopique quantitative et l’expérience vécue.

J’ai passé quelques temps à Montréal depuis ce temps, mais c’est aussi pendant ce temps que je me suis déplacé le plus souvent. Par exemple, de février 2002 à décembre 2007, j’ai effectué 20 déménagements, entre huit villes différentes (au Mali, au Nouveau-Brunswick, en Indiana, au Massachusetts et au Texas). Je revenais à Montréal au cours de plusieurs de ces déménagements. D’ailleurs, je conservais un pied-à-terre à Montréal. Mais je n’étais «installé» nulle part.

Le 26 avril 2008, j’ai effectué mon dernier déménagement en date et je n’ai pas bougé depuis. Je ne peux pas vraiment dire que je me suis installé définitivement à Montréal, mais ces 1374 jours passés dans ma ville natale constituent la plus longue période de stabilité, pour moi, depuis 1994.

C’est d’ailleurs depuis avril 2008 que je redeviens Québécois. Étape par étape.

Si je suis revenu à Montréal, c’est en grande partie pour des raisons personnelles. J’aurais pu aller ailleurs, mais c’était tout compte fait plus facile de revenir ici, du moins temporairement. J’avais même pensé utiliser mon retour à Montréal comme un tremplin vers autre chose (même pensé à Edmonton, à un certain moment; ou même à la Corée). Revenir à Montréal, c’était une «solution de facilité», une “fallback solution”.

Même si mon réseau social s’est distendu au cours de mes déplacements du début du siècle, je conservais plusieurs contacts ici qui m’ont aidé à me reconstruire un système de support social. Revenir à Montréal, c’était renforcer mes contacts avec certains membres de ma famille et avec plusieurs de mes amis.

D’ailleurs, en ce moment, une grande partie de mes contacts sur divers réseaux sociaux en-ligne (Twitter, Facebook, G+, LinkedIn…) sont locaux. Pas que je sois chauvin ou fermé, bien au contraire! En tant qu’anthropologue, je chéris la diversité humaine et j’ai beaucoup apprécié ma vie hors de Montréal. Mais la base locale des réseaux sociaux est un aspect non-négligeable, dans mon cas. Beaucoup de mes rapports sociaux s’effectuent en face-à-face et, hormis quelques cas particuliers, c’est le cas de la plupart des gens. Autrement dit, nous avons beau passer beaucoup de temps en-ligne, les rapports sociaux ont généralement un ancrage dans les interactions directes, locales, «en présentiel».

Ainsi, le fait de revenir à Montréal était, pour moi, une façon de renforcer la partie locale de mon propre réseau social. Je pouvais donc retrouver une vie sociale qu’il m’a été difficile d’avoir lorsque je bougeais d’une ville à l’autre.

D’autres motivations étaient plus professionnelles. Par exemple, ayant enseigné quelques cours à Concordia entre 2006 et 2007, il m’était plus facile d’obtenir des charges de cours à cette université qu’ailleurs dans le monde (même si j’ai eu l’occasion d’enseigner à sept autres endroits, dont cinq aux États-Unis). Évidemment, mon réseau social a aussi contribué aux motivations professionnelles de mon retour à Montréal en me dressant un portrait assez positif de la situation de l’emploi à Montréal. En d’autres termes, je suis revenu à Montréal sur l’impression, provenant de mon réseau social, qu’il était maintenant possible de bien vivre ici.

Cette impression ne s’est pas démentie.

Austin (ATX), capitale du Texas, est le dernier endroit où j’ai habité avant mon retour à Montréal. Contrairement à de nombreuses autres villes américaines à l’époque (fin 2007 et début 2008), ATX était plus ou moins épargnée par la crise financière. C’est du moins ce qui se disait dans les journaux et bars locaux. Même s’il est possible de prouver que la situation d’Austin était plus fragile que ce que l’opinion publique en disait, le fait est qu’il n’y avait pas de marasme économique à ATX à l’époque. Ayant connu un véritable marasme à Montréal en 1995, j’étais à l’affût des signes avant-coureurs d’un problème similaire à Austin douze ans plus tard. Le fait que les gens parlaient quotidiennement de la crise et de problèmes d’argent allait déjà dans le sens du marasme, même si ces mêmes conversations sortaient explicitement ATX de ce bourbier. «Les choses vont vraiment mal, en ce moment. Mais nous sommes épargnés pour l’instant.» Puisque ma propre situation à Austin n’était pas tout à fait reluisante, rien de très encourageant de ce côté. Il est fort possible qu’un manque d’enthousiasme face à la situation économique des États-Unis et du Texas ait été une particularité des milieux sociaux auxquels je me mêlais, à l’époque. Néanmoins, tant dans le milieu universitaire (qui venait de connaître des coupures drastiques) que dans celui plus populaire des brasseurs de bière, un optimisme bien prudent semblait régner.

Le contraste, peu après mon retour à Montréal, était assez flagrant. Malgré divers problèmes économiques, les milieux dans lesquels je me suis (ré)inséré faisaient figure d’oasis de paix, en comparaison avec mon expérience à Austin en 2007–2008 (ou à Montréal en 1995). Ceux qui parlaient de leur situation financière faisaient rarement référence à un problème plus large. Plusieurs personnes quittaient des emplois stables pour se lancer dans divers projets plus risqués. Sans que l’on puisse parler d’euphorie, régnait ici une atmosphère plutôt paisible, face à la situation financière. C’était pas l’âge d’or du Québec (que l’on situe plus facilement lors de la période entre Expo 67 et les JO de 1976).

Il est fort possible que, tout comme celle que j’ai eu d’Austin, mon impression de Montréal provenait des milieux dans lesquels j’œuvrais. Entre autres, il y avait une certaine effervescence dans ce que j’appelle «la scène geek montréalaise». C’est parmi eux que se trouvaient certains des plus idéalistes, qui misaient une partie de leurs vies pour des projets qui leur tenaient à cœur. En 2008, il n’était pas rare pour des membres de cette «scène» de se faire proposer des contrats assez lucratifs sans qu’ils aient besoin d’effectuer des recherches approfondies. Les acteurs du Web, par exemple, trouvaient facilement quelque-chose à faire, sans avoir à chercher bien loin. On parle d’un groupe assez restreint (je l’estimerais à environ 500 personnes), mais la possibilité que j’avais de m’y insérée a contribué assez largement à mon impression de Montréal. D’ailleurs, depuis mon retour, j’ai obtenu plusieurs contrats très intéressants sans avoir à chercher bien activement.

L’autre sphère d’action de ma vie montréalaise, le milieu universitaire, me donnait aussi un certain air de sérénité. S’il y a très peu de postes permanents dans ce milieu, à l’échelle du continent, il m’a été possible de donner de plus en plus de cours, à Concordia. En fait, pour la première fois de ma carrière, je peux dire que j’ai commencé à me tailler une place dans ce milieu. Sans devenir indispensable et tout en gardant un fort sens critique face au milieu académique, je suis plus à l’aise avec mon statut de «chargé de cours + travailleur autonome». D’ailleurs, petit-à-petit, je commence à trouver plus de liens entre les deux dimensions de ma vie professionnelle. Assez confortable, comme situation. Pour moi, ça vaut plus qu’un gros salaire.

Puisque la situation financière du lieu où je vis a beaucoup d’implications sur mon expérience en cet endroit, c’est une bonne occasion de préciser ma pensée là-dessus. Ma propre situation financière a évidemment un impact important sur ma vie, compte tenu d’un système social qui accorde énormément d’importance à l’argent. Mais, ce qui m’affecte le plus, c’est le «climat social» dans lequel je vis. Un marasme ambiant a un impact négatif plus grand sur moi que des problèmes financiers. D’autre part, lorsque l’atmosphère générale est plutôt positive et que les questions d’argent font rarement leur apparition dans les conversations que je peux avoir avec les gens autour de moi, je m’en porte mieux même si ma situation personnelle n’est pas très reluisante.

Et c’est probablement un bon point où terminer cette réflexion au sujet de mon retour à Montréal. Je suis revenu à Montréal (et j’y demeure depuis près de quatre ans) parce qu’il fait bon y vivre.

Du moins, c’est la partie impersonnelle. Pour l’aspect personnel, ce sera pour un autre jours.

Profils et web social

J’écrivais ce message à un ami, à propos de mon expérience sur le site xkcd.com.

 

What? Oh, no, the 'Enchanted' soundtrack was just playing because Pandora's algorithms are terrible. [silence] ... (quietly) That's how you knooooooow ...
BD de xkcd
C’est sur xkcd, mais ça pourrait être ailleurs. C’est rien de très spécial, mais ça me donne à penser à ce qu’est le vrai web social, en ce moment. Surtout si on sort de la niche geek.

Donc…

  • Je vois le dernier xkcd.
  • Ça me fait réagir.
  • Je veux répondre.
  • Je sais qu’il y a des forums pour accompagner ces bande dessinées.
  • Je vais sur le forum lié à celui-ci (déjà quelques clics et il fallait que je connaisse l’existence de tout ça).
  • J’appuie sur Post Reply
  • Ça me demande de m’identifier.
  • Comme je crois avoir déjà envoyé quelque-chose là, je me branche avec mon username habituel.
  • Ah, mauvais mdp.
  • Je fais “forget pw”.
  • Oups! J’avais pas de compte avec mon adresse gmail (faut que ça soit la bonne combinaison donc, si je me rappelle pas de mon username, ça marche pas).
  • Je me crée un nouveau profil.
  • Le captcha est illisible, ça me prend plusieurs tentatives.
  • Faut que j’aille sur mon compte gmail activer mon compte sur les forums xkcd.
  • Une fois que c’est fait, je me retrouve à la page d’accueil des forums (pas à la page où j’essaie d’envoyer ma réponse).
  • Je retrouve la page que je voulais.
  • J’appuie sur Post Reply.
  • J’écris ma réponse et je l’envoie.
  • Évidemment, mon profil est vierge.
  • Je vais modifier ça.
  • Ça commence par mon numéro ICQ?? Eh bé!
  • Plus bas, je vois des champs pour Website et Interests. Je remplis ça rapidement, en pensant au plus générique.
  • Il y a aussi ma date de fête. Pas moyen de contrôler qui la voit, etc. Je l’ajoute pas.
  • J’enregistre les autres modifications.
  • Et j’essaie de changer mon avatar.
  • Il y a pas de bouton pour uploader.
  • Ça passe par une Gallery, mais il y a rien dedans.
  • Je laisse tomber, même si je sais bien que les geeks de xkcd sont du genre à rire de toi si t’as un profil générique.
  • Je quitte le site un peu frustré, sans vraiment avoir l’impression que je vais pouvoir commencer une conversation là-dessus.

Deuxième scénario.

J’arrive sur un site qui supporte Disqus (par exemple Mashable).

  • Je peux envoyer un commentaire en tant que guest.

You are commenting as a Guest. Optional: Login below.

Donc, si je veux seulement laisser un commentaire anonyme, c’est tout ce que j’ai à faire. «Merci, bonsoir!»

Même sans me brancher, je peux faire des choses avec les commentaires déjà présents (Like, Reply).

Mais je peux aussi me brancher avec mes profils Disqus, Facebook (avec Facebook Connect), ou Twitter (avec OAuth). Dans chaque cas, si je suis déjà branché sur ce compte dans mon browser, j’ai juste à cliquer pour autoriser l’accès. Même si je suis pas déjà branché, je peux m’identifier directement sur chaque site.

Après l’identification, je reviens tout de suite à la page où j’étais. Mon avatar s’affiche mais je peux le changer. Je peux aussi changer mon username, mais il est déjà inscrit. Mon avatar et mon nom sont liés à un profil assez complet, qui inclut mes derniers commentaires sur des sites qui supportent Disqus.

Sur le site où je commente, il y a une petite boîte avec un résumé de mon profil qui inclut un décompte des commentaires, le nombre de commentaires que j’ai indiqué comme “likes” et des points que j’ai acquis.

Je peux envoyer mon commentaire sur Twitter et sur Facebook en même temps. Je peux décider de recevoir des notices par courriel ou de m’abonner au RSS. Je vois tout de suite quel compte j’utilise (Post as…) et je peux changer de compte si je veux (personnel et pro, par exemple). Une fois que j’envoie mon commentaire, les autres visiteurs du site peuvent voir plus d’infos sur moi en passant avec la souris au-dessus de mon avatar et ils peuvent cliquer et avoir un dialogue modal avec un résumé de mon compte. Ce résumé mène évidemment sur le profil complet. Depuis le profil complet, les gens peuvent suivre mes commentaires ou explorer divers aspects de ma vie en-ligne.

Suite à mon commentaire, les gens peuvent aussi me répondre directement, de façon anonyme ou identifiée.

J’ai donc un profil riche en deux clics, avec beaucoup de flexibilité. Il y a donc un contexte personnel à mon commentaire.

L’aspect social est intéressant. Mon commentaire est identifié par mon profil et je suis identifié par mes commentaires. D’ailleurs, la plupart des avatars sur Mashable sont des vraies photos (ou des avatars génériques) alors que sur le forum xkcd, c’est surtout des avatars «conceptuels».

Ce que xkcd propose est plus proche du “in-group”. Les initiés ont déjà leurs comptes. Ils sont “in the know”. Ils ont certaines habitudes. Leurs signatures sont reconnaissables. L’auteur de la bd connaît probablement leurs profils de ses «vrais fans». Ces gens peuvent citer à peu près tout ce qui a été envoyé sur le site. D’ailleurs, ils comprennent toutes les blagues de la bd, ils ont les références nécessaires pour savoir de quoi l’auteur parle, que ça soit de mathématiques ou de science-fiction. Ils sont les premiers à envoyer des commentaires parce qu’ils savent à quel moment une nouvelle bd est envoyée. En fait, aller regarder une bd xkcd, ça fait partie de leur routine. Ils sont morts de rire à l’idée que certains ne savent pas encore que les vraies blagues xkcd sont dans les alt-text. Ils se font des inside-jokes en tout genre et se connaissent entre eux.

En ce sens, ils forment une «communauté». C’est un groupe ouvert mais il y a plusieurs processus d’exclusion qui sont en action à tout moment. Pour être accepté dans ce genre de groupe, faut faire sa place.

 

Les sites qui utilisent Disqus ont une toute autre structure. N’importe qui peut commenter n’importe quoi, même de façon anonyme. Ceux qui ne sont pas anonymes utilisent un profil consolidé, qui dit «voici ma persona de web social» (s’ils en ont plusieurs, ils présentent le masque qu’ils veulent présenter). En envoyant un commentaire sur Mashable, par exemple, ils ne s’impliquent pas vraiment. Ils construisent surtout leurs identités, regroupent leurs idées sur divers sujets. Ça se rapproche malgré tout de la notion de self-branding qui préoccupe tant des gens comme Isabelle Lopez, même si les réactions sont fortes contre l’idée de “branding”, dans la sphère du web social montréalaisn (la YulMob). Les conversations entre utilisateurs peuvent avoir lieu à travers divers sites. «Ah oui, je me rappelle d’elle sur tel autre blogue, je la suis déjà sur Twitter…». Il n’y a pas d’allégeance spécifique au site.

Bien sûr, il peut bien y avoir des initiées sur un site particulier. Surtout si les gens commencent à se connaître et qu’ils répondent aux commentaires de l’un et de l’autre. En fait, il peut même y avoir une petite «cabale» qui décide de prendre possession des commentaires sur certains sites. Mais, contrairement à xkcd (ou 4chan!), ça se passe en plein jour, mis en évidence. C’est plus “mainstream”.

Ok, je divague peut-être un peu. Mais ça me remet dans le bain, avant de faire mes présentations Yul– et IdentityCamp.