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Intervention médiatique helvético-québécoise

Un peu la suite (tardive) d’un billet sur la «vitalité culturelle du Québec» (qui était lui-même une suite d’un billet sur le contenu québécois), avec des liens à deux baladodiffusions: David Patry (du syndicat du Journal de Montréal) en entrevue sur Musironie et Jean-François Rioux (directeur radio à RadCan) en entrevue sur Médialogues.

Un peu plus de contexte que vous n’en désirez… 🙂

J’écoute de nombreuses baladodiffusions, en français et en anglais. En tant qu’ethnographe et en tant que  bavard invétéré, j’essaie  d’apporter mon grain de sel dans diverses conversations. Certaines baladodiffusions (entre autres celles qui proviennent du contexte radiophonique traditionnel, comme Médialogues) «donnent la parole aux auditeurs» en sollicitant des messages téléphoniques ou par courriel. Une participation beaucoup moins directe ou égalitaire que dans le média social, mais une participation sociale tout de même.

En tant que Québécois d’origine suisse, je me plais à écouter des baladodiffusions helvétiques (provenant surtout de la radio publique en Suisse-Romande, la baladodiffusion indépendante étant encore plus rare en Suisse qu’au Québec). Ça m’aide à conserver un contact avec la Suisse, ne serait-ce que par l’accent des participants. Et ça me fait parfois réfléchir aux différences entre la Suisse et le Québec (ou, par extension, aux différences entre Amérique du Nord et Europe).

J’écoute des baladodiffusions de Couleur3 et de «La première» (deux stations radiophoniques de la SRG SSR idée suisse) depuis 2005. Mais ce n’est qu’en écoutant un épisode de la baladodiffusion de Vous êtes ici de Radio-Canada, l’été dernier que j’ai appris l’existence de Médialogues, une émission de La première au sujet des médias. 

Puisque je suis en réaction contre le journalisme depuis 25 ans, la critique des médias me fascine. Médialogues n’est pas, en tant que telle, représentative de l’analyse critique des médias (elle est animée par des journalistes et les journalistes peinent à utiliser un point de vue critique sur le journalisme). Mais plusieurs interventions au cours de l’émission sont effectuées par des gens (y compris d’anciens journalistes comme Christophe Hans) dotés du recul nécessaire pour comprendre le journalisme dans son ensemble et certains journalistes qui participent à l’émission énoncent à l’occasion des idées qui peuvent être utiles à l’analyse critique du journalisme.

Soit dit en passant, au sujet du respect… Je respecte qui que ce soit, y compris ceux avec qui je suis en désaccord profond. Je peux parfois sembler irrespectueux à l’égard des journalistes mais ce n’est pas contre eux que «j’en ai». Je suis en réaction contre le journalisme mais j’apprécie les journalistes en tant que personnes. Par ailleurs, je considère que beaucoup de journalistes sont eux-mêmes irrespectueux à l’égard des non-journalistes et leur manque de respect à notre égard provoque parfois en moi certaines réactions qui peuvent ressembler à des «attaques» plus personnalisées. Mon intention est toute autre, bien évidemment, mais je prends la responsabilité pour toute méprise à ce sujet. J’ai d’ailleurs été confronté à ce genre de situation, il y a quelques mois.

Revenons donc à Jean-François Rioux, en entrevue avec les journalistes de Médialogues.

Le contexte immédiat de cette entrevue est relativement simple à comprendre: la Société Suisse Romande (portion francophone de la SRG SSR idée suisse) procède en ce moment à la fusion de ses services télévisuels, radiophoniques et Internet. C’est donc un sujet qui anime et passionne l’équipe de Médialogues (située au cœur de cette transformation). La semaine dernière, intriguée par des propos de Gérard Delaloye, (dont les interventions ont été entendues à plusieurs reprises pendant la semaine), l’équipe de Médialogues s’est penchée sur la crainte toute journalistique de la perte de diversité causée par cette fusion de diverses sections du service public. N’étant pas en mesure de contacter le directeur télévision et radio (déjà sollicité à plusieurs reprises par Médialogues, à ce que j’ai pu comprendre), l’équipe de journalistes a décidé de contacter Jean-François Rioux. Choix très logique puisque la SRC est l’équivalent très direct de la SSR (y compris la distinction linguistique) et que CBC/SRC a déjà procédé à cette fusion des médias.

Rioux était donc invité à se prononcer au sujet des effets de la fusion des moyens de communication. Là où tout prend son sens, c’est que l’équipe de Médialogues utilise le terme «convergence» pour parler de cette fusion. Ce terme est tout à fait approprié puisqu’il s’agit d’un exemple de ce qu’on appelle «la convergence numérique». Mais, en contexte canadien (et, qui plus est, québécois), le terme «convergence» est fortement connoté puisqu’il a surtout été utilisé pour désigner ce qu’on appelle «la convergence des médias»: une portion de la concentration des médias qui traite plus spécifiquement de l’existence de plusieurs organes médiatiques «multi-plateforme» au sein d’une même organisation médiatique. Contrairement à ce que certains pourraient croire (et que je me tue à dire, en tant qu’ethnolinguiste), c’est pas le terme lui-même, qui pose problème. C’est l’utilisation du terme en contexte. En parlant au directeur radio de RadCan, il est bon de connaître le contexte médiatique québécois, y compris une aversion pour la convergence des médias.

En tant qu’ethnolinguiste helvético-québécois, il était de mon devoir d’indiquer à l’équipe de Médialogues qu’une partie de cette entrevue avec Rioux était tributaire d’une acception proprement québécoise du concept de «convergence». J’ai donc envoyé un courriel à cette époque, n’étant alors pas en mesure de laisser un message sur leur boîte vocale (j’étais dans un lobby d’hôtel en préparation à une visite ethnographique).

Alors que je suis chez un ami à Québec (pour d’autres visites ethnographiques), je reçois un courriel d’Alain Maillard (un des journalistes de Médialogues) s’enquérant de mes dispositions face à une entrevue téléphonique au cours des prochains jours. Je lui ai rapidement indiqué mes disponibilités et, ce matin, je reçois un autre courriel de sa part me demandant si je serais disponible dans la prochaine heure. Le moment était tout à fait opportun et nous avons pu procéder à une petite entrevue téléphonique, de 9:58 à 10:18 (heure normale de l’est).

Malheureusement, j’ai pas eu la présence d’esprit de procéder à l’enregistrement de cette entrevue. Sur Skype, ç’aurait été plus facile à faire. Compte tenu de mon opinion sur le journalisme, évidemment, mais aussi de ma passion pour le son, j’accorde une certaine importance à l’enregistrement de ce type d’entrevue.

M’enfin…

Donc, Maillard et moi avons pu parler pendant une vingtaine de minutes. L’entrevue était proprement structurée (on parle quand même de la Suisse et, qui plus est, d’un journaliste et auteur œuvrant en Suisse). Une section portait directement sur la notion de convergence. Selon Maillard, celle-ci pourrait faire l’objet d’une diffusion de deux minutes au début de l’émission de vendredi. La seconde section portait sur mon blogue principal et se concentrait sur l’importance de bloguer dans un contexte plutôt carriériste. La troisième section portant sur un de mes «chevaux de bataille»: la musique et les modèles d’affaires désuets qui la touchent. Comme beaucoup d’autres, Maillard s’interrogeait sur les montants d’argent associés à certains produits de la musique: les enregistrement et les spectacles. Pour Maillard, comme pour beaucoup de non-musiciens (y compris les patrons de l’industrie du disque), il semble que ce soit l’accès à la musique qui se doit d’être payant. Malgré les changements importants survenus dans cette sphère d’activité para-musicale depuis la fin du siècle dernier, plusieurs semblent encore croire que La Musique est équivalente aux produits de consommations (“commodities”) qui lui sont associés. La logique utilisée semble être la suivante: si les gens peuvent «télécharger de la musique» gratuitement, comment «la musique» peut-elle survivre?  Pourtant, ce n’est pas «de la musique» qui est téléchargée, ce sont des fichiers (généralement en format MP3) qui proviennent de l’enregistrement de certaines performances musicales.

L’analogie avec des fichiers JPEG est un peu facile (et partiellement inadéquate, puisqu’elle force une notion technique sur la question) mais elle semble somme toute assez utile. Un fichier JPEG provenant d’une œuvre d’art pictural (disons, une reproduction photographique d’une peinture) n’est pas cette œuvre. Elle en est la «trace», soit. On peut même procéder à une analyse sémiotique détaillée du lien entre ce fichier et cette œuvre. Mais il est facile de comprendre que le fichier JPEG n’est pas directement équivalent à cette œuvre, que l’utilisation du fichier JPEG est distincte de (quoiqu’indirectement liée à) la démarche esthétique liée à une œuvre d’art.

On pourrait appliquer la même logique à une captation vidéo d’une performance de danse ou de théâtre.

J’ai beaucoup de choses à dire à ce sujet, ce qui est assez «dangereux». D’ailleurs, je parle peu de ces questions ici, sur mon blogue principal, parce que c’était surtout mon cheval de bataille sur le blogue que j’ai créé pour Critical World, il y a quelques temps.

Comme vous vous en êtes sûrement rendu compte, chères lectrices et chers lecteurs, je suis parti d’un sujet somme toute banal (une courte entrevue pour une émission de radio) et je suis parti dans tous les sens. C’est d’ailleurs quelque-chose que j’aime bien faire sur mon blogue, même si c’est mal considéré (surtout par les Anglophones). C’est plutôt un flot d’idées qu’un billet sur un sujet précis. Se trouvent ici plusieurs idées en germe que je souhaite aborder de nouveau à une date ultérieure. Par exemple, je pensais dernièrement à écrire un billet spécifiquement au sujet de Médialogues, avec quelques commentaires sur la transformation des médias (la crise du journalisme, par exemple). Mais je crois que c’est plus efficace pour moi de faire ce petit brouillon.

D’ailleurs, ça m’aide à effectuer mon «retour de terrain» après mes premières visites ethnographiques effectuées pour l’entreprise privée.