Éloge de la courtoisie en-ligne

Nous y voilà!

Après avoir terminé mon billet sur le contact social, j’ai reçu quelques commentaires et eu d’autres occasions de réfléchir à la question. Ce billet faisait suite à une interaction spécifique que j’ai vécue hier mais aussi à divers autres événements. En écrivant ce billet sur le contact social, j’ai eu l’idée (peut-être saugrenue) d’écrire une liste de «conseils d’ami» pour les gens qui désirent me contacter. Contrairement à mon attitude habituelle, j’ai rédigé cette liste dans un mode assez impératif et télégraphique. C’est peut-être contraire à mon habitude, mais c’est un exercice intéressant à faire, dans mon cas.

Bien qu’énoncés sur un ton quasi-sentencieux, ces conseils se veulent être des idées de base avec lesquelles je travaille quand on me sollicite (ce qui arrive plusieurs fois par jour). C’est un peu ma façon de dire: je suis très facile à contacter mais voici ce que je considère comme étant des bonnes et mauvaises idées dans une procédure de contact. Ça vaut pour mes lecteurs ici, pour mes étudiants (avant que je aie rencontrés), pour des contacts indirects, etc.

Pour ce qui est du «contact social», je parlais d’un contexte plus spécifique que ce que j’ai laissé entendre. Un des problèmes, c’est que même si j’ai de la facilité à décrire ce contexte, j’ai de la difficulté à le nommer d’une façon qui soit sans équivoque. C’est un des mondes auxquels je participe et il est lié à l’«écosystème geek». En parlant de «célébrité» dans le billet sur le contact social, je faisais référence à une situation assez précise qui est celle de la vie publique de certaines des personnes qui passent le plus clair de leur temps en-ligne. Les limites sont pas très claires mais c’est un groupe de quelques millions de personnes, dont plusieurs Anglophones des États-Unis, qui entrent dans une des logiques spécifiques de la socialisation en-ligne. Des gens qui vivent et qui oeuvrent dans le média social, le marketing social, le réseau social, la vie sociale médiée par les communications en-ligne, etc.

Des «socialiseurs alpha», si on veut.

C’est pas un groupe homogène, loi de là. Mais c’est un groupe qui a ses codes, comme tout groupe social. Certains individus enfreignent les règles et ils sont ostracisés, parfois sans le savoir.

Ce qui me permet de parler de courtoisie.

Un des trucs dont on parle beaucoup dans nos cours d’introduction, en anthropologie culturelle, c’est la diversité des normes de politesse à l’échelle humaine. Pas parce que c’est une partie essentielle de nos recherches, mais c’est souvent une façon assez efficace de faire comprendre des concepts de base à des gens qui n’ont pas (encore) de formation ethnographique ou de regard anthropologique. C’est encore plus efficace dans le cas d’étudiants qui ont déjà été formés dans une autre discipline et qui ont parfois tendance à ramener les concepts à leur expérience personnelle (ce qui, soit dit en passant, est souvent une bonne stratégie d’apprentissage quand elle est bien appliquée). L’idée de base, c’est qu’il n’y a pas d’«universal», de la politesse (malgré ce que disent Brown et Levinson). Il n’y a pas de règle universelle de politesse qui vaut pour l’ensemble de la population humaine, peu importe la distance temporelle ou culturelle. Chaque contexte culturel est bourré de règles de politesse, très souvent tacites, mais elles ne sont pas identiques d’un contexte à l’autre. Qui plus est, la même règle, énoncée de la même façon, a souvent des applications et des implications très différentes d’un contexte à l’autre. Donc, en contexte, il faut savoir se plier.

En classe, il y en a toujours pour essayer de trouver des exceptions à cette idée de base. Mais ça devient un petit jeu semi-compétitif plutôt qu’un réel processus de compréhension. D’après moi, ç’a un lien avec ce que les pédagogues anglophones appellent “Ways of Knowing”. Ce sont des gens qui croient encore qu’il n’existe qu’une vérité que le prof est en charge de dévoiler. Avec eux, il y a plusieurs étapes à franchir mais ils finissent parfois par passer à une compréhension plus souple de la réalité.

Donc, une fois qu’on peut travailler avec cette idée de base sur la non-universalité de règles de politesse spécifiques, on peut travailler avec des contextes dans lesquelles la politesse fonctionne. Et elle l’est fonctionnelle!

Mes «conseils d’ami» et mon «petit guide sur le contact social en-ligne» étaient à inscrire dans une telle optique. Mon erreur est de n’avoir pas assez décrit le contexte en question.

Si on pense à la notion de «blogosphère», on a déjà une idée du contexte. Pas des blogueurs isolés. Une sphère sociale qui est concentrée autour du blogue. Ces jours-ci, à part le blogue, il y a d’autres plates-formes à travers lesquelles les gens dont je parle entretiennent des rapports sociaux plus ou moins approfondis. Le micro-blogue comme Identi.ca et Twitter, par exemple. Mais aussi des réseaux sociaux comme Facebook ou même un service de signets sociaux comme Digg. C’est un «petit monde», mais c’est un groupe assez influent, puisqu’il lie entre eux beaucoup d’acteurs importants d’Internet. C’est un réseau tentaculaire, qui a sa présence dans divers milieux. C’est aussi, et c’est là que mes propos peuvent sembler particulièrement étranges, le «noyau d’Internet», en ce sens que ce sont des membres de ce groupe qui ont un certain contrôle sur plusieurs des choses qui se passent en-ligne. Pour utiliser une analogie qui date de l’ère nationale-industrielle (le siècle dernier), c’est un peu comme la «capitale» d’Internet. Ou, pour une analogie encore plus vieillotte, c’est la «Métropole» de l’Internet conçu comme Empire.

Donc, pour revenir à la courtoisie…

La spécificité culturelle du groupe dont je parle a créé des tas de trucs au cours des années, y compris ce qu’ils ont appelé la «Netiquette» (de «-net» pour «Internet» et «étiquette»). Ce qui peut contribuer à rendre mes propos difficiles à saisir pour ceux qui suivent une autre logique que la mienne, c’est que tout en citant (et apportant du support à) certaines composantes de cette étiquette, je la remets en contexte. Personnellement, je considère cette étiquette très valable dans le contexte qui nous préoccupe et j’affirme mon appartenance à un groupe socio-culturel précis qui fait partie de l’ensemble plus vaste auquel je fais référence. Mais je conserve mon approche ethnographique.

La Netiquette est si bien «internalisée» par certains qu’elles semblent provenir du sens commun (le «gros bon sens» dont je parlais hier). C’est d’ailleurs, d’après moi, ce qui explique certaines réactions très vives au bris d’étiquette: «comment peux-tu contrevenir à une règle aussi simple que celle de donner un titre clair à ton message?» (avec variantes plus insultantes). Comme j’ai tenté de l’expliquer en contexte semi-académique, une des bases du conflit en-ligne (la “flame war”), c’est la difficulté de se ressaisir après un bris de communication. Le bris de communication, on le tient pour acquis, il se produit de toutes façons. Mais c’est la façon de réétablir la communication qui change tout.

De la même façon, c’est pas tant le bris d’étiquette qui pose problème. Du moins, pas l’occasion spécifique de manquement à une règle précise. C’est la dynamique qui s’installe suite à de nombreux manquements aux «règles de base» de la vie sociale d’un groupe précis. L’effet immédiat, c’est le découpage du ‘Net en plus petites factions.

Et, personnellement, je trouve dommage ce fractionnement, cette balkanisation.

Qui plus est, c’est dans ce contexte que, malgré mon relativisme bien relatif, j’assigne le terme «éthique» à mon hédonisme. Pas une éthique absolue et rigide. Mais une orientation vers la bonne entente sociale.

Qu’on me comprenne bien (ça serait génial!), je me plains pas du comportement des gens, je ne jugent pas ceux qui se «comportent mal» ou qui enfreignent les règles de ce monde dans lequel je vis. Mais je trouve utile de parler de cette dynamique. Thérapeutique, même.

La raison spécifique qui m’a poussé à écrire ce billet, c’est que deux des commentaires que j’ai reçu suite à mes billets d’hier ont fait appel (probablement sans le vouloir) au «je fais comme ça me plaît et ça dérange personne». Là où je me sens presqu’obligé de dire quelque-chose, c’est que le «ça dérange personne» me semblerait plutôt myope dans un contexte où les gens ont divers liens entre eux. Désolé si ça choque, mais je me fais le devoir d’être honnête.

D’ailleurs, je crois que c’est la logique du «troll», ce personnage du ‘Net qui prend un «malin plaisir» à bousculer les gens sur les forums et les blogues. C’est aussi la logique du type macho qui se plaît à dire: «Je pince les fesses des filles. Dix-neuf fois sur 20, je reçois une baffe. Mais la vingtième, c’est la bonne». Personnellement, outre le fait que je sois féministe, j’ai pas tant de problèmes que ça avec cette idée quand il s’agit d’un contexte qui le permet (comme la France des années 1990, où j’ai souvent entendu ce genre de truc). Mais là où ça joue pas, d’après moi, c’est quand cette attitude est celle d’un individu qui se meut dans un contexte où ce genre de chose est très mal considéré (par exemple, le milieu cosmopolite contemporain en Amérique du Nord). Au niveau individuel, c’est peut-être pas si bête. Mais au niveau social, ça fait pas preuve d’un sens éthique très approfondi.

Pour revenir au «troll». Ce personnage quasi-mythique génère une ambiance très tendue, en-ligne. Individuellement, il peut facilement considérer qu’il est «dans son droit» et que ses actions n’ont que peu de conséquences négatives. Mais, ce qui se remarque facilement, c’est que ce même individu tolère mal le comportement des autres. Il se débat «comme un diable dans le bénitier», mais c’est souvent lui qui «sème le vent» et «récolte la tempête». Un forum sans «troll», c’est un milieu très agréable, “nurturing”. Mais il n’est besoin que d’un «troll» pour démolir l’atmosphère de bonne entente. Surtout si les autres membres du groupes réagissent trop fortement.

D’ailleurs, ça me fait penser à ceux qui envoient du pourriel et autres Plaies d’Internet. Ils ont exactement la logique du pinceur de femmes, mais menée à l’extrême. Si aussi peu que 0.01% des gens acceptent le message indésirable, ils pourront en tirer un certain profit à peu d’effort, peu importe ce qui affecte 99.99% des récipiendaires. Tant qu’il y aura des gens pour croire à leurs balivernes ou pour ouvrir des fichiers attachés provenant d’inconnus, ils auront peut-être raison à un niveau assez primaire («j’ai obtenu ce que je voulais sans me forcer»). Mais c’est la société au complet qui en souffre. Surtout quand on parle d’une société aussi diversifiée et complexe que celle qui vit en-ligne.

C’est intéressant de penser au fait que la culture en-ligne anglophone accorde une certaine place à la notion de «karma». Depuis une expression désignant une forme particulière de causalité à composante spirituelle, cette notion a pris, dans la culture geek, un acception spécifique liée au mérite relatif des propos tenus en-ligne, surtout sur le vénérable site Slashdot. Malgré le glissement de sens de causalité «mystique» à évaluation par les pairs, on peut lier les deux concepts dans une idée du comportement optimal pour la communication en-ligne: la courtoisie.

Les Anglophones ont tendance à se fier, sans les nommer ou même les connaître, aux maximes de Grice. J’ai beau percevoir qu’elles ne sont pas universelles, j’y vois un intérêt particulier dans le contexte autour duquel je tourne. L’idée de base, comme le diraient Wilson et Sperber, est que «tout acte de communication ostensive communique la présomption de sa propre pertinence optimale». Cette pertinence optimale est liée à un processus à la fois cognitif et communicatif qui fait appel à plusieurs des notions élaborées par Grice et par d’autres philosophes du langage. Dans le contexte qui m’intéresse, il y a une espèce de jeu entre deux orientations qui font appel à la même notion de pertinence: l’orientation individuelle («je m’exprime») souvent légaliste-réductive («j’ai bien le droit de m’exprimer») et l’orientation sociale («nous dialoguons») souvent éthique-idéaliste («le fait de dialoguer va sauver le monde»).

Aucun mystère sur mon orientation préférée…

Par contre, faut pas se leurrer: le fait d’être courtois, en-ligne, a aussi des effets positifs au niveau purement individuel. En étant courtois, on se permet très souvent d’obtenir de réels bénéfices, qui sont parfois financiers (c’est comme ça qu’on m’a payé un iPod touch). Je parle pas d’une causalité «cosmique» mais bien d’un processus précis par lequel la bonne entente génère directement une bonne ambiance.

Bon, évidemment, je semble postuler ma propre capacité à être courtois. Il m’arrive en fait très souvent de me faire désigner comme étant très (voire trop) courtois. C’est peut-être réaliste, comme description, même si certains ne sont peut-être pas d’accord.

À vous de décider.

6 thoughts on “Éloge de la courtoisie en-ligne”

  1. Comment fais tu pour écrire aussi vite et poster autant de tags !?!
    Mes félicitations pour ton préambule et tes précisions dignes d’un professeur d’Université. 😉

    Pour avoir plusieurs origines et connu l’expatriation, j’apprécie et suis d’accord avec ton recul et propos “relatif”. Ceci dit je pousse toujours un raisonnement à fond pour voir si il est cohérent ou pas et je cherche à l’appliquer sur lui-même donc voir sa récursivité.

    > Ce sont des gens qui croient encore qu’il n’existe qu’une vérité que le prof est en charge de dévoiler.

    Attention, une matière au moins fonctionne assez comme cela, je pense aux maths. C’est inadéquate dans ton contexte je suis bien d’accord.

    C’est drôle que tu parles de “troll” j’ai justement essayé d’expliquer le comportement à adopter sur le blog d’un écrivain français Thierry Crouzet (le 5e pouvoir – Le peuple des connecteurs) qui refusait de bannir/censurer par “idéologie”. Ça a trainé 2 mois ! C’est très difficile quand le troll n’est pas banni de garder une bonne ambiance. Soit les gens sont mièvres et répondent soit ils sont agressifs et participent à miner l’ambiance. Une ambiance “correcte” est selon moi un préalable à une discussion intéressante.

    > L’effet immédiat, c’est le découpage du ‘Net en plus petites factions.

    As tu des statistiques pour appuyer tes propos comme le ferais le philosophe et sociologue français, Pierre Bourdieu ? (rajoute le en tag) 😉

    Les gros forums semblent drainer bien plus de commentaires que la blogsphère.

    Pour la liste de diffusion, je suis d’accord que ça peut s’enflammer plus vite en privé mais ce que je recherche c’est ‘les relations publiques’ pas le tête à tête qu’on retrouve en privé avec sa famille et amis.

    > trop courtois

    C’est ton côté québecois. Va sur les forums Français et tu risques de le perdre. 😀

  2. @Paul
    Pour ce qui est de poster et taguer rapidement, ce que tu sais pas, c’est que j’écris aussi beaucoup en privé. J’ai envoyé au moins le même nombre de mots en messages privés qu’en billets de blogue, aujourd’hui.

    Ce que tu dis sur les maths est pas faux, à un certain niveau, et montre que t’as bien saisi l’allusion. Mais il y a justement des gens pour démontrer que les stades plus «avancés» des “Ways of Knowing” sont très efficaces pour les mathématiques. Je pense plus spécifiquement à une présentation à propos des WoK effectuée devant des ingénieurs et des mathématiciens ainsi qu’à certaines conversations plus générales que j’ai eues avec un ami qui vient de terminer son doctorat en math.

    La question de bannir ou non un troll, c’est jamais facile. Sur une liste de diffusion, la dynamique sociale vient généralement à bout du troll le plus récalcitrant. Sur un blogue, c’est différent, entre autres pour des raisons de principe, justement.
    D’ailleurs, je me targue facilement du fait que je n’ai pas encore eu de véritable troll sur ce blogue-ci. Je crois savoir pourquoi et, vraiment, ça me met fort aise.

    En bon ethnographe (encore plus que sociologue) Bourdieu était pas si orienté quantitatif que ça. Ses plus grands travaux étaient vraiment du côté observation et analyse pénétrante (“insightful”), et non «accumulation de données précises».
    J’ai pas l’intention de le rajouter en tague parce que malgré son influence sur ma façon de penser, je pensais pas à lui dans ces billets.
    Je pourrais probablement trouver des stats sur le fractionnement du ‘Net, mais ça serait pas très parlant. Ça aiderait peut-être à cibler le phénomène, mais il y a plusieurs autres méthodes de recherche.
    Mon observation «sauvage», c’est que malgré certains contacts qui traversent les continents et les milieux socio-culturels, il y a de nombreux «coins» du ‘Net qui sont relativement isolés les uns des autres. Oui, il y a communication. Mais il y a aussi des groupes dont les frontières sont relativement faciles à tracer. Souvent à travers la langue, d’ailleurs. Et je remarque ça dans ma vie quotidienne puisque j’écris beaucoup plus (et plus vite) en anglais qu’en français.
    Si ça t’intéresse vraiment de voir des données (quantitatives ou non), tu peux certainement en trouver assez facilement. Dans mon cas, je risque d’en chercher plus tard dans ma vie, mais c’est pas une priorité.
    [Tiens, tiens… Sur ces entrefaits, j’ai reçu un appel de l’Institut de la statistique du Québec, pour un sondage… 😉 ]

    Les listes de diffusion sont assez variées, en fait. J’ai fait partie de certaines qui étaient très PR, d’autres qui étaient académiques et encore d’autres qui étaient impersonnelles. Je comprends ce que tu veux dire mais j’ai tellement d’expérience de liste de diffusion que j’insiste! 😀

    Pour la courtoisie, j’ai failli mentionner la France, mais j’ai hésité pour ne pas m’attirer d’ennuis. En fait, j’ai même pensé à une ambiance très peu courtoise que j’ai remarqué à Paris mais qui était plus rare dans d’autres coins de la France et presqu’absente dans d’autres régions francophones du monde. J’ai beau être Québécois (et Helvète) et avoir des contacts relativement fréquents avec des «Internautes» québécois, je passe assez peu de temps sur des sites spécifiquement québécois. Le blogue de Martin peut être une exception mais je ne l’ai visité que quelques fois, depuis trois ans.
    D’ailleurs, j’oserais presque dire que la sphère Internet française est justement isolée du reste du monde, malgré certaines incursions. C’est un peu un monde à part. (La faute au Minitel!!) Quand je lis certains trucs sur des sites français, je remarque un style très particulier. D’ailleurs, il y a de nombreux Français qui sont membres de certaines des listes de diffusion auxquelles je participe et je remarque facilement la différence d’attitude. C’est pas la même chose qu’avec des Suisses-Romands, avec des Maliens, avec des Wallons ou avec des locuteurs du français comme langue seconde. C’est pas non plus la même chose qu’en anglais, langue dans laquelle je passe le plus clair de mon temps en-ligne.

  3. Alors là … j’ai travaillé dans le minitel et j’ai vécu à Paris.
    Je suis terriblement VEXE !

    Je plaisante. 😉

    J’ai vu 2 ou 3 documentaires en français sur Bourdieu et il avait des analyses ‘pénétrantes’ mais qui reposaient sur des études statistiques. C’était le point de départ d’une analyse ou la vérification qu’il faisait d’une intuition qu’il avait eu. Alors ça ne transparait pas nécessairement autant dans ces ouvrages mais sur la vidéo il semblait y attacher assez d’importance. J’ai noté qu’il avait une formation académique à l’ENS en philosophie.

    Dans mon contexte je constate que la blogsphere française a des contacts assez fort avec la blogsphere québécoise francophone et je garde les ponts ouverts pour un débarquement français 😀 qui je l’espère ce fera dans le domaine médical avec la pénurie de médecin que nous connaissons ici. En octobre doit être validé plusieurs accords entre la France et le Québec dont la reconnaissance mutuelle de diplômes en particulier dans le secteur médical. A suivre …

  4. Pour Bourdieu, je pense beaucoup à la dernière conférence qu’il a présentée à Montréal, pas très longtemps avant son décès. C’est le département de socio qui l’avait invité et les sociologues essayaient de se mousser («Ma question a deux parties…»), mais Bourdieu se montrait très proche de la perspective proprement anthropologique, même plus que Lévi-Strauss (qui n’a jamais vraiment été un homme de terrain). En France, la distinction entre anthropo et socio est minime et la socio française ressemble beaucoup à l’ethnographie, même si elle utilise d’autres méthodes. Aux États-Unis, la socio est non seulement à cheval sur les méthodes quantitatives, mais elle se cantonne dans les résultats. Ce que tu décris de Bourdieu, c’est pas ce qu’un sociologue nord-américain faisait.
    (Soit dit en passant, je viens d’enseigner un cours de sociologie à des infirmières diplômées du Texas.)

    Si je parle du Minitel, c’est un peu parce que je me rappelle d’avoir eu une conversation, à Paris justement, sur le fait que le ‘Net n’avait pas tant d’importance en France à l’époque (1994). Mais je crois quand même qu’il y a un fond de quelque-chose qui n’est peut-être pas lié au Minitel spécifiquement, mais qui aide à expliquer le rapport de la France au ‘Net. Je crois vraiment qu’il y a quelque-chose, là-dessous. Si tu veux, une «intuition» que j’ai, basée sur des observations sauvages au cours des quinze dernières années.
    Comme tu l’indiques, une partie de la blogosphère québécoise francophone est en lien assez direct avec la France. C’est un peu la même chose avec le journalisme (RadCan, dans les jupons franchouillards) et ç’a été le cas de la chanson (avant que le Québec se fasse son milieu culturel insulaire). Mais je me mêle pas trop à cette sphère francotrope. J’ai beau être Francophone jusqu’au bout des ongles, je m’oriente plutôt vers la Francophonie hors-France ou sur d’autres régions du monde. Oui, y compris divers coins des États-Unis où j’ai habité. Mais aussi, si possible, dans d’autres coins de la planète. Surtout si on peut enfin sortir de la logique patriotique/nationaliste/coloniale.

  5. Intéressant ces précisions sur la sociologie en France et aux USA. Ce qui m’intéresse aussi chez Bourdieu c’est sa formation multidisciplinaire. Sa formation philosophique avec ses études initiales en math, je la ressent en trame de fond dans presque chacune de ses phrases.

    En France, les choses ont beaucoup évolué par rapport au ‘Net depuis 1994 et même 1999 date ou j’ai quitté la France. C’est assez incroyable, la vitesse à laquelle ils ont rattrapé le retard (vitesse de conx, site web, utilisation, etc…) et dépassé le Canada. C’est amusant aussi le volte face des média de masse français (TV) qui m’agaçait en 1998 par leur ignorance et préjugés au sujet de l’internet.
    J’explique ce retard du passé entre autre avec le monopole de France Telecom et ses intérêts dans le minitel.
    Au Canada, avec Bell je revis actuellement un peu ce frein pour la tel. IP et l’adsl2 qui sont largement déployé en France.
    http://www.centpapiers.com/Bell-freine-t-il-la-telephonie-IP,3806

    Regarde avec le cinéma, ce que disent (*)plusieurs encyclopédies US de cinéma sur le cinéma italien et une encyclopédie française sur le cinéma hollywoodien. (*) C’est sans doute de l’ignorance mélangé à une propagande sous-jacente intégrée. Quand on apprécie la qualité de la comédie italienne de l’âge d’or, c’est un vrai gâchis. Vu la qualité globale, je trouve qu’on parle un peu trop du cinéma américain en Europe.
    J’ai regardé un long documentaire (Un Voyage avec Martin Scorsese à travers le Cinéma Italien 2002) et le réalisateur italo-américain ne semblait pas avoir une connaissance très étendu, toujours les mêmes rares classiques italiens, sans doute les seuls disponible en DVD aux USA.

  6. Pour la formation de Bourdieu, c’est assez typique des anthropologues. D’ailleurs, je suis parmi les rares anthropologues que je connais qui a suivi une trajectoire quasi-rectiligne, depuis le désir de devenir anthropologue (à treize ans) jusqu’au moment d’obtenir un diplôme d’études supérieures en anthropologie. Même si j’ai fait à la fois mon bacc. et ma maîtrise en anthropo (ce qui est relativement rare), j’ai quand même fait mon Dec en musique et mes études doctorales ont été dans un département de folklore et d’ethnomusicologie.
    Beaucoup d’anthropologues classiques n’avaient pas de formation en anthropologie. Physiciens, chimistes, géographes… Même la génération de mes profs, il y en a plusieurs qui n’ont pas de diplômes en anthropo. Et on se fait conseiller de faire beaucoup d’autres choses que l’anthropo. Très sérieusement, je te dirais que je trouve l’anthropo très inter-/pluri-/multidisciplinaire. Oui, je suis biaisé. Mais je parle de quelque-chose d’assez spécifique qui prend un peu plus de temps à décrire… 😀

    Ce que tu dis sur le ‘Net en France me semble assez plausible comme description. Un peu le fameux “leapfrog effect” qu’on voit facilement dans la téléphonie cellulaire. J’aime pas beaucoup parler de «retard» ou d’«avance» (ça présuppose une évolution unilinéaire qui entre pas vraiment dans mon schème de pensée) mais je trouve ça fascinant de voir à quel point le cellulaire est la technologie de pointe qui s’inscrit le mieux dans les changements sociaux à l’échelle planétaire mais que c’est justement un des points où l’Amérique du Nord suit une trajectoire plus lente (le Canada et les États-Unis, du moins). C’est d’ailleurs, je crois, ce qui empêche des gens comme Negroponte de comprendre la transformation socio-technologique qui est en train de se produire. S’il avait compris (ou même écouté) les gens à qui il veut imposer sa tech, il se serait pas complu si longtemps dans un schème avec ordinateur portable basé sur un clavier.

    Pour le cinéma, j’avoue avoir un peu de difficulté à te suivre (c’est pas mon domaine), mais ce qui est clair c’est qu’on est beaucoup plus isolés qu’on a tendance à se le faire croire. Mes exemples proviennent assez souvent des rapports entre l’Europe et l’Amérique du Nord. Ce sont des régions qui ont conservé énormément de contacts au cours des années, les connexions Internet entre les deux continents sont parmi les plus nombreuses et il y a même des identités ethniques similaires. Pourtant, il y a énormément d’incompréhension et d’ignorance, de la part de gens vivant sur ces deux continents, à propos de ce qui se passe de l’autre côté de l’Atlantique. Ou même entre le Québec et les États-Unis, il y a une telle incompréhension… C’est tout bonnement fascinant.
    Alors, quand on parle de différences entre, disons, le Brésil et la Corée, on voit se dessiner un portrait beaucoup plus complexe du monde.
    Pour le dire d’une autre façon: il reste entre 4000 et 6000 langues dans le monde; même des langues apparentées sont à la base de distinctions très profondes dans la communication; alors on peut pas s’attendre à ce que le monde soit réellement un «village global» (n’en déplaise à l’amateur de propos fallacieux qu’était McLuhan).

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