Le petit guide du contact social en-ligne (brouillon)

Je viens de publier un «avis à ceux qui cherchent à me contacter». Et je pense à mon expertise au sujet de la socialisation en-ligne. Ça m’a donné l’idée d’écrire une sorte de guide, pour aider des gens qui n’ont pas tellement d’expérience dans le domaine. J’ai de la difficulté à me vendre.

Oui, je suis un papillon social. Je me lie facilement d’amitié avec les gens et j’ai généralement d’excellents contacts. En fait, je suis très peu sélectif: à la base, j’aime tout le monde.

Ce qui ne veut absolument pas dire que mon degré d’intimité est constant, peu importe l’individu. En fait, ma façon de gérer le degré d’intimité est relativement complexe et dépend d’un grand nombre de facteurs. C’est bien conscient mais difficile à verbaliser, surtout en public.

Et ça m’amène à penser au fait que, comme plusieurs, je suis «très sollicité». Chaque jour, je reçois plusieurs requêtes de la part de gens qui veulent être en contact avec moi, d’une façon ou d’une autre. C’est tellement fréquent, que j’y pense peu. Mais ça fait partie de mon quotidien, comme c’est le cas pour beaucoup de gens qui passent du temps en-ligne (blogueurs, membres de réseaux sociaux, etc.).

Évidemment, un bon nombre de ces requêtes font partie de la catégorie «indésirable». On pourrait faire l’inventaire des Dix Grandes Plaies d’Internet, du pourriel jusqu’à la sollicitation  intempestive. Mais mon but ici est plus large. Discuter de certaines façons d’établir le contact social. Qu’il s’agisse de se lier d’amitié ou simplement d’entrer en relation sociale diffuse (de devenir la «connaissance» de quelqu’un d’autre).

La question de base: comment effectuer une requête appropriée pour se mettre en contact avec quelqu’un? Il y a des questions plus spécifiques. Par exemple, comment démontrer à quelqu’un que nos intentions sont légitimes? C’est pas très compliqué et c’est très rapide. Mais ça fait appel à une logique particulière que je crois bien connaître.

Une bonne partie de tout ça, c’est ce qu’on appelle ici «le gros bon sens». «Ce qui devrait être évident.» Mais, comme nous le disons souvent en ethnographie, ce qui semble évident pour certains peut paraître très bizarre pour d’autres. Dans le fond, le contact social en-ligne a ses propres contextes culturels et il faut apprendre à s’installer en-ligne comme on apprend à emménager dans une nouvelle région. Si la plupart des choses que je dis ici semblent très évidentes, ça n’implique pas qu’elles sont bien connues du «public en général».

Donc, quelle est la logique du contact social en-ligne?

Il faut d’abord bien comprendre que les gens qui passent beaucoup de temps en-ligne reçoivent des tonnes de requêtes à chaque jour. Même un papillon social comme moi finit par être sélectif. On veut bien être inclusifs mais on veut pas être inondés, alors on trie les requêtes qui nous parviennent. On veut bien faire confiance, mais on veut pas être dupes, alors on se tient sur nos gardes.

Donc, pour contacter quelqu’un comme moi, «y a la manière».

Une dimension très importante, c’est la transparence. Je pense même à la «transparence radicale». En se présentant aux autres, vaut mieux être transparent. Pas qu’il faut tout dévoiler, bien au contraire. Il faut «contrôler son masque». Il faut «manipuler le voile». Une excellente façon, c’est d’être transparent.

L’idée de base, derrière ce concept, c’est que l’anonymat absolu est illusoire. Tout ce qu’on fait en-ligne laisse une trace. Si les gens veulent nous retracer, ils ont souvent la possibilité de le faire. En donnant accès à un profil public, on évite certaines intrusions.

C’est un peu la même idée derrière la «géolocation». Dans «notre monde post-industriel», nous sommes souvent faciles à localiser dans l’espace (grâce, entre autres, à la radio-identification). D’un autre côté, les gens veulent parfois faire connaître aux autres leur situation géographique et ce pour de multiples raisons. En donnant aux gens quelques informations sur notre présence géographique, on tente de contrôler une partie de l’information à notre sujet. La «géolocation» peut aller de la très grande précision temporelle et géographique («je suis au bout du comptoir de Caffè in Gamba jusqu’à 13h30») jusqu’au plus vague («je serai de retour en Europe pour une période indéterminée, au cours des six prochains mois»). Il est par ailleurs possible de guider les gens sur une fausse piste, de leur faire croire qu’on est ailleurs que là où on est réellement. Il est également possible de donner juste assez de précisions pour que les gens n’aient pas d’intérêt particulier à nous «traquer». C’est un peu une contre-attaque face aux intrusions dans notre vie privée.

Puisque plusieurs «Internautes» ont adopté de telles stratégies contre les intrusions, il est important de respecter ces stratégies et il peut être utile d’adopter des stratégies similaires. Ce qui implique qu’il faudrait accepter l’image que veut projeter l’individu et donner à cet individu la possibilité de se faire une image de nous.

Dans la plupart des contextes sociaux, les gens se dévoilent beaucoup plus facilement à ceux qui se dévoilent eux-mêmes. Dans certains coins du monde (une bonne partie de la blogosphère mais aussi une grande partie de l’Afrique), les gens ont une façon très sophistiquée de se montrer très transparents tout en conservant une grande partie de leur vie très secrète. Se cacher en public. C’est une forme radicale de la «présentation de soi». Aucune hypocrisie dans tout ça. Rien de sournois. Mais une transparence bien contrôlée. Radicale par son utilité (et non par son manque de pudeur).

«En-ligne, tout le monde agit comme une célébrité.» En fait, tout le monde vit une vie assez publique, sur le ‘Net. Ce qui implique plusieurs choses. Tout d’abord qu’il est presqu’aussi difficile de protéger sa vie privée en-ligne que dans une ville africaine typique (où la gestion de la frontière entre vie publique et vie privée fait l’objet d’une très grande sophistication). Ça implique aussi que chaque personne est moins fragile aux assauts de la célébrité puisqu’il y a beaucoup plus d’information sur beaucoup plus de personnes. C’est un peu la théorie du bruit dans la lutte contre les paparazzi et autres prédateurs. C’est là où la transparence de plusieurs aide à conserver l’anonymat relatif de chacun.

D’après moi, la méthode la plus efficace de se montrer transparent, c’est de se construire un profil public sur un blogue et/ou sur un réseau social. Il y a des tas de façons de construire son profil selon nos propres besoins et intérêts, l’effet reste le même. C’est une façon de se «présenter», au sens fort du terme.

Le rôle du profil est beaucoup plus complexe que ne semblent le croire ces journalistes qui commentent la vie des «Internautes». Oui, ça peut être une «carte de visite», surtout utile dans le réseautage professionnel. Pour certains, c’est un peu comme une fiche d’agence de rencontre (avec poids et taille). Plusieurs personnes rendent publiques des choses qui semblent compromettantes. Mais c’est surtout une façon de contrôler l’image,

Dans une certaine mesure, «plus on dévoile, plus on cache». En offrant aux gens la possibilité d’en savoir plus sur nous, on se permet une marge de manœuvre. D’ailleurs, on peut se créer un personnage de toutes pièces, ce que beaucoup ont fait à une certaine époque. C’est une technique de dissimulation, d’assombrissement. Ou, en pensant à l’informatique, c’est une méthode de cryptage et d’«obfuscation».

Mais on peut aussi «être soi-même» et s’accepter tel quel. D’un point de vue «philosophie de vie», c’est pas mauvais, à mon sens.

En bâtissant son profil, on pense à ce qu’on veut dévoiler. Le degré de précision varie énormément en fonction de nos façons de procéder et en fonction des contextes. Rien de linéaire dans tout ça. Il y a des choses qu’on dévoilerait volontiers à une étrangère et qu’on n’avouerait pas à des proches. On peut maintenir une certaine personnalité publique qui est parfois plus réelle que notre comportement en privé. Et on utilise peut-être plus de tact avec des amis qu’avec des gens qui nous rencontrent par hasard.

Il y a toute la question de la vie privée, bien sûr. Mais c’est pas tout. D’ailleurs, faut la complexifier, cette idée de «vie privée». Beaucoup de ce qu’on peut dire sur soi-même peut avoir l’effet d’impliquer d’autres personnes. C’est parfois évident, parfois très subtil. La stratégie de «transparence radicale» dans le contact social en-ligne est parfois difficile à concilier avec notre vie sociale hors-ligne. Mais on ne peut pas se permettre de ne rien dire. Le tout est une question de dosage.

Il y a de multiples façons de se bâtir un profil public et elles sont généralement faciles à utiliser. La meilleure méthode dépend généralement du contexte et, outre le temps nécessaire pour les mettre à jour (individuellement ou de façon centralisée), il y a peu d’inconvénients d’avoir de nombreux profils publics sur différents services.

Personnellement, je trouve qu’un blogue est un excellent moyen de conserver un profil public. Ceux qui laissent des commentaires sur des blogues ont un intérêt tout particulier à se créer un profil de blogueur, même s’ils ne publient pas de billets eux-mêmes. Il y a un sens de la réciprocité, dans le monde du blogue. En fait, il y a toute une négociation au sujet des différences entre commentaire et billet. Il est parfois préférable d’écrire son propre billet en réponse à celui d’un autre (les liens entre billets sont répertoriés par les “pings” et “trackbacks”). Mais, en laissant un commentaire sur le blogue de quelqu’un d’autre, on fait une promotion indirecte: «modérée et tempérée» (dans tous les sens de ces termes).

Ma préférence va à WordPress.com et Disparate est mon blogue principal. Sans être un véritable réseau social, WordPress.com a quelques éléments qui facilitent les contacts entre blogueurs. Par exemple, tout commentaire publié sur un blogue WordPress.com par un utilisateur de WordPress.com sera automatiquement lié à ce compte, ce qui facilite l’écriture du commentaire (nul besoin de taper les informations) et lie le commentateur à son identité. Blogger (ou Blogspot.com) a aussi certains de ces avantages mais puisque plusieurs blogues sur Blogger acceptent les identifiants OpenID et que WordPress.com procure de tels identifiants, j’ai tendance à m’identifier à travers WordPress.com plutôt qu’à travers Google/Blogger.

Hors du monde des blogues, il y a celui des services de réseaux sociaux, depuis SixDegrees.com (à l’époque) à OpenSocial (à l’avenir). Tous ces services offrent à l’utilisateur la possibilité de créer un profil (général ou spécialisé) et de spécifier des liens que nous avons avec d’autres personnes.

Ces temps-ci, un peu tout ce qui est en-ligne a une dimension «sociale» en ce sens qu’il est généralement possible d’utiliser un peu n’importe quoi pour se lier à quelqu’un d’autre. Dans chaque cas, il y a un «travail de l’image» plus ou moins sophistiqué. Sans qu’on soit obligés d’entreprendre ce «travail de l’image» de façon très directe, ceux qui sont actifs en-ligne (y compris de nombreux adolescents) sont passés maîtres dans l’art de jouer avec leurs identités.

Il peut aussi être utile de créer un profil public sur des plates-formes de microblogue, comme Identi.ca et Twitter. Ces plates-formes ont un effet assez intéressant, au niveau du contact social. Le profil de chaque utilisateur est plutôt squelettique, mais les liens entre utilisateurs ont un certain degré de sophistication parce qu’il y a une distinction entre lien unidirectionnel et lien bidirectionnel. En fait, c’est relativement difficile à décrire hors-contexte alors je crois que je vais laisser tomber cette section pour l’instant. Un bon préalable pour comprendre la base du microbloguage, c’est ce court vidéo, aussi disponible avec sous-titres français.

Tout ça pour parler de profil public!

En commençant ce billet, je croyais élaborer plusieurs autres aspects. Mais je crois quand même que la base est là et je vais probablement écrire d’autres billets sur la même question, dans le futur.

Quand même quelques bribes, histoire de conserver ce billet «en chantier».

Un point important, d’après moi, c’est qu’il est généralement préférable de laisser aux autres le soin de se lier à nous, sauf quand il y a un lien qui peut être établi. C’est un peu l’idée derrière mon billet précédent. Oh, bien sûr, on peut aller au-devant des gens dans un contexte spécifique. Si nous sommes au même événement, on peut aller se présenter «sans autre». Dès qu’il y a communauté de pratique (ou communauté d’expérience), on peut en profiter pour faire connaissance. S’agit simplement de ne pas s’accaparer l’attention de qui que ce soit et d’accepter la façon qu’a l’autre de manifester ses opinions.

Donc, en contexte (même en-ligne), on peut aller au-devant des gens.

Mais, hors-contexte, c’est une idée assez saugrenue que d’aller se présenter chez les gens sans y avoir été conviés.

Pour moi, c’est un peu une question de courtoisie. Mais il y a aussi une question de la compréhension du contexte. Même si nous réagissons tous un peu de la même façon aux appels non-solicités, plusieurs ont de la difficulté à comprendre le protocole.

Et le protocole est pas si différent de la vie hors-ligne. D’ailleurs, une technique très utile dans les contextes hors-ligne et qui a son importance en-ligne, c’est l’utilisation d’intermédiaires. Peut-être parce que je pense au Mali, j’ai tendance à penser au rôle du griot et au jeu très complexe de l’indirection, dans le contact social. Le réseau professionnel LinkedIn fait appel à une version très fruste de ce principe d’indirection, sans étoffer le rôle de l’intermédiaire. Pourtant, c’est souvent en construisant la médiation sociale qu’on comprend vraiment comment fonctionnent les rapports sociaux.

Toujours est-il qu’il y a une marche à suivre, quand on veut contacter les gens en-ligne. Ce protocole est beaucoup plus fluide que ne peuvent l’être les codes sociaux les mieux connus dans les sociétés industriels. C’est peut-être ce qui trompe les gens peu expérimentés, qui croient que «sur Internet, on peut tout faire».

D’où l’idée d’aider les gens à comprendre le contact social en-ligne.

Ce billet a été en partie motivé par une requête qui m’a été envoyée par courriel. Cette personne tentait de se lier d’amitié avec moi mais sa requête était décontextualisée et très vague. Je lui ai donc écrit une réponse qui contenait certains éléments de ce que j’ai voulu écrire ici.

Voici un extrait de ma réponse:

Si t’as toi-même un blogue, c’est une excellente façon de se présenter. Ou un compte sur un des multiples réseaux sociaux. Après, tu peux laisser le lien sur ton profil quand tu contactes quelqu’un et laisser aux autres le soin de se lier à toi, si tu les intéresses. C’est très facile et très efficace. Les messages non-sollicités, directement à l’adresse courriel de quelqu’un, ça éveille des suspicions. Surtout quand le titre est très générique ou que le contenu du message est pas suffisamment spécifique. Pas de ta faute, mais c’est le contexte.

En fait, la meilleure méthode, c’est de passer par des contacts préétablis. Si on a des amis communs, le tour est joué. Sinon, la deuxième meilleure méthode, c’est de laisser un commentaire vraiment très pertinent sur le blogue de quelqu’un que tu veux connaître. C’est alors cette personne qui te contactera. Mais si le commentaire n’est pas assez pertinent, cette même personne peut croire que c’est un truc indésirable et effacer ton commentaire, voire t’inclure dans une liste noire.

J’utilise pas Yahoo! Messenger, non. Et je suis pas assez souvent sur d’autres plateformes de messagerie pour accepter de converser avec des gens, comme ça. Je sais que c’est une technique utilisée par certaines personnes sérieuses, mais c’est surtout un moyen utilisé par des gens malveillants.

Si vous avez besoin d’aide, vous savez comment me contacter! 😉

32 thoughts on “Le petit guide du contact social en-ligne (brouillon)”

  1. Un blogueur est en quelque sorte un exhibitionniste, dans le sens ou il exhibe ses idées. Il s’expose aux réactions de ceux qui ont accès à son profil. Là est la différence entre un profil public et un profil privé. WordPress n’est pas un réseau social, c’est une plateforme ouverte à tout individus désirant échanger sur des sujets tantôt vastes, tantôt plus spécifique. Un blogueur ne fait donc pas parti d’un réseau d’échanges, mais de plusieurs réseaux d’échanges, aussi vastes que puissent être les sujets qu’il aborde.
    Excellente réflexion. Bravo!

  2. Bons points!
    En fait, si j’ai parlé de WordPress.com dans ce contexte c’est un peu pour souligner qu’à la base, l’effet peut être presque le même. Surtout que les gens ont tendance à ne pas discuter des aspects «sociaux» de WordPress.com (comme les avatars, le «surfeur de blogue», la liste des commentaires, les liens facilités, le navigateur d’étiquettes, le blogue collaboratif, le lien direct au profil unifié, l’utilisation d’OpenID, etc.).
    Mais t’as bien raison, la distinction est bien nette pour ceux qui vivent dans ces milieux.

    Pour ce qui est d’exhibitionnisme, c’est un peu ce que j’essayais de décrire. Un exhibitionnisme qui sert de paravent. À ce niveau, les réseaux sociaux peuvent être à peu près semblables. La grande différence, c’est l’accès par la population en général. Mais Facebook et MySpace sont suffisamment grands pour que la différence ne soit pas très significative pour les utilisateurs, dans leurs réalités quotidiennes.

    Merci beaucoup pour tous ces commentaires!

  3. Bonjour Alexandre,

    Utiles tu un logiciel de reconnaissance vocale ?
    ou parles tu autant que tu écris ?
    Si oui alors le papillon social est resté aussi bavard que l’écolier. 😉

    La “règle” que j’utilise pour contacter les autres est toute personnelle et unique. Elle dépend de mon éducation, culture, caractère, humeur du moment etc… Si elle ne convient pas à mon interlocuteur et bien tant pis. C’est une sorte de filtre et je passe à autre chose ou un autre interlocuteur. Si tout le monde se comportait de la même manière ça serait une perte de temps. En effet c’est aussi avec ce genre de détails qu’on se sent en sympathie ou non avec une personne avant presque de discuter. La façon d’aborder une personne est un élément et le règlementer m’ennuierai comme hédoniste et surtout eudémoniste. 😉

    La logique d’un ethnologue ne coïncide pas nécessairement avec ma logique de matheux mais elle m’amuse.

    Bonne continuation !

  4. Salut Paul,

    Attends… Tu m’as connu comme écolier? Oui, j’étais très bavard et je le suis resté. Ça fait partie intégrante de ma façon de vivre.

    J’ai reçu un message en privé de celui à qui je répondais, en fin de billet. Lui et toi, vous m’aidez à préciser quelque-chose.
    Comme tu le perçois, je parlais justement de logiques différentes. En fait, je spécifiais ce que ça signifie d’entrer dans une sphère sociale particulière. J’oblige personne à venir me rejoindre. Mais j’en profite pour expliquer plusieurs choses à la fois: ce que je suis, qu’est-ce que j’ai observé et dans quel monde je vis.

    Un autre aspect important, c’est que les fois où ça ne convient pas à l’interlocuteur, ça peut générer de la vraie animosité. Et c’est ce que j’essaie d’éviter. Enfreindre des règles, c’est pas obligé d’être grave. Mais il y a toujours des conséquences.

  5. @Paul,
    Je vois par ton profil que t’es dans le coin depuis ’99. Donc tu m’as pas connu comme écolier. Mais t’as probablement lu certains de mes billets où je parlais du fait d’être bavard et tu sembles avoir saisi que je suis ethnographe.
    Ce qui aide à renforcer le point que j’essaie d’amener: on s’expose.

  6. Oui bien déduit Alexandre, à part que Je n’ai encore aucune preuve que tu sois réellement ethnographe. 😉
    il y a qq mois j’ai discuté sur un blog avec un “philosophe”. Il s’est vite avéré être un philosophe “amateur” qui avait commencé ses études en philosophie. J’ai convenu avec lui que c’était une sorte de convention de sous entendre avec ce titre qu’il avait un diplôme et/ou une carrière professionnelle derrière.

    Pour évacuer l’animosité, il vaut mieux bien communiquer, en évitant les jugements de valeur d’autrui. Maintenant dans les ‘relations publiques’, le risque demeure toujours présent même si on peut le diminuer en fonction de son attitude.
    L’humour est a utilisé avec parcimonie tant qu’on ne connait pas bien la personne. Peu de risque avec l’auto-dérision bien qu’il existe des gens complètement imperméable à l’humour.

  7. Salut de nouveau, Paul.

    Pas mal comme point sur mon statut d’ethnographe. Mais, normalement, mon curriculum vitae (PDF) devrait aider à préciser ce que j’ai comme formation. C’est un peu pour ça que je l’ai mis sur mon profil. Pour simplifier: je suis enseignant en anthropologie culturelle, linguistique, musicale et africaine.

    Je suis aussi d’accord avec toi sur le principe de base sur la communication. Ce que j’essayais d’expliquer ici c’est que certaines méthodes sont plus efficaces que d’autres pour initier le dialogue. Les cas où le dialogue a été mal initié génèrent de l’animosité qui se transmet à d’autres cas. Autrement dit, en décidant de ne pas s’adapter aux modes de communication de l’autre, on génère une ambiance assez tendue qui a des répercussions sur plusieurs personnes.

    Pour ce qui est de l’humour, il y a un contexte plus large qui inclut tout ce qui nécessite des références communes.

    Pour le reste, l’autre type et toi-même m’aidez à penser à un billet sur la courtoisie.

  8. Je ne connais pas tes propres cas de dialogue mal initiés qui virent à l’animosité pour pouvoir les commenter. Avec l’expérience j’arrête plus vite (ou prend juste une pause) avant que ça dérape.

    C’est souvent plus rentable d’essayer de se changer, s’adapter que de vouloir changer ou adapter à soi un très large environement.
    Avant de s’exposer en public, un livre qui m’a bien aidé personnellement “la communication efficace” de Linda Adams qui reprend la méthode Gordon pour des relations sans perdants.

    Courtoisie oui à condition que ça ne rime pas avec hypocrisie comme tu l’indiquais justement dans ton article. Ni trop courtois ni agressif, j’essaye de communiquer mes idées et désaccords éventuels sans froisser mon interlocuteur sur ses propres convictions. C’est tout un art de la communication et plus je discute avec des gens de tout horizon plus je me pratique dans des contextes différents. Un forum très fréquenté est un entrainement à ce titre plus accéléré que le blog personnel.

    Le critère d’amis en commun dans un réseau social “informatique” peut devenir assez faible. En effet certains “pro” avec beaucoup de contacts acceptent systématiquement ou presque une demande de mise en relation. C’est le cas d’un de tes contacts sur Facebook pour l’avoir écrit sur son blog.

    Et le télémarketing, ont ils des règles avant de t’appeler chez toi à part d’éviter les heures de sommeil ?
    Non pas vraiment et pourtant ça fonctionne relativement bien sinon ils arrêteraient les frais.
    Le rapport ?
    ça respecte pas tes règles et ils vont quand même t’appeller toi et tous les autres prospects sans aucune distinction.

  9. Pas mal, comme conversation. Je pense que ça m’aide à préciser certaines choses.
    Quand je parle d’animosité, je fais surtout référence aux “flame wars” mais il y a une animosité plus latente. Au cours de mes premières années en-ligne (disons, de ’93 à ’98), j’ai participé à plusieurs de ces petites querelles. Depuis ’98 (avec l’expérience, comme tu le dis), j’ai trouvé de multiples moyens de m’en sortir. Mais reste que ces querelles et cette animosité sous-jacente demeurent des problèmes importants, d’après moi.
    Pour le dialogue mal initié, je pense plutôt à tous ceux qui me disent «j’essaie de me faire des amis mais ça marche pas». Je peux rapidement y voir un problème de stratégie de contact. Très souvent, ce sont des gens qui ont envoyé des messages avec des titres trop génériques, qui n’ont pas donné assez d’information sur eux-mêmes, qui ne se sont pas montrés réellement intéressés par leurs interlocuteurs, ou qui avaient trop clairement des motifs peu valables.

    Comme tu le dis, il y a toute une question d’adaptation. Et faut penser au contexte précis de cette adaptation. L’objet de ces billets récents, c’est un contexte assez particulier. Comme tout bon ethnographe, je m’y suis adapté avec une certaine facilité. Mais j’essaie de donner des pistes à d’autres pour qu’ils puissent s’adapter aussi.

    Par «courtoisie», j’entends pas «mièvrerie». Mais je parle d’une attitude respectueuse et honnête qui admet facilement les désaccords mais qui permet de ne pas les personnaliser. C’est une attitude que je crois avoir et qui m’a apporter de très belles choses dans de nombreux contextes. Sérieux, je dis pas ça pour me vanter. J’essaie simplement de dire aux gens qu’une façon efficace de vivre en société, c’est de se montrer courtois.
    Bien d’accord avec toi que le blogue est pas le meilleur entraînement pour ce genre de chose. Du moins, pas un blogue perso où il y a peu de commentaires (e.g. celui-ci). D’après moi, la salle d’entraînement la plus efficace, c’est la liste de diffusion de courriel. C’est encore plus intense qu’un forum pour plusieurs raisons. Entre autres, parce que les gens sont inscrits à la liste et reçoivent tous les messages. Ensuite parce qu’il y est très facile pour une conversation de prendre une tangente complètement nouvelle (avec ou sans changement de titre) alors que le forum force une certaine structure de conversations parallèles (dans une certaine mesure). Aussi, il y a le simple fait que les messages de la liste viennent dans une boîte de réception: ça personnalise le contact d’une façon assez particulière. Puis le fait qu’il est toujours possible d’envoyer un message individuel hors-liste, ce qui n’est pas toujours le cas sur un forum. D’ailleurs, sur les listes que je connais, les plus grandes conversations se passent hors-liste.

    Ton point sur l’ami commun va exactement dans le sens où je voulais aller: oui, c’est faible, mais c’est justement pour ça que c’est efficace. Diverses personnes ont différentes politiques sur l’ajout de contact, en fonction du réseau social. Sur Facebook, j’accepte à peu près tout le monde. (Tu parles de Les_Singes, par hasard?) Mais sur Brightkite, je viens de refuser quelqu’un. Sur Twitter, je m’inscris pour suivre les mises à jour de la plupart des gens qui me suivent.
    Un point de base, dans tout ça, c’est justement la transparence. Quelqu’un qui se «met à nu» sur Fb, j’ai pas de problème à accepter le contact. Si cette personne que je connais peu me présente quelqu’un d’autre, c’est suffisant pour moi. J’ai pas besoin de grand-chose, juste d’un peu de courtoisie (qui implique justement une certaine transparence). Par contre, ça ne signifie absolument pas que le contact donne quelqu’emprise que ce soit à cette seconde ou tierce personne sur ma vie. C’est simplement un contact, même si Fb appelle ça «ami».

    Le télémarketing, c’est aussi un excellent exemple de ce que j’avance. D’ailleurs, j’y ai pensé en écrivant ces billets, surtout que j’ai passé deux jours comme télémarketeur et plusieurs mois comme sondeur en-ligne.
    Comme tu le dis, le télémarketing a un certain degré de réussite. Il est en fait très bas. Bien plus haut que celui de ceux qui envoient du pourriel, mais beaucoup plus bas que celui des sondeurs au téléphone. Ils enfreignent les règles en toute impunité (quand il n’y a pas de liste “do not call”), mais ils génèrent une animosité très perceptible. C’est d’ailleurs cette animosité qui a une influence négative sur d’autres contextes de la communication téléphonique, y compris le sondage.
    Et, justement, la différence entre télémarketing et sondage se situe au niveau de l’étiquette, même si certains télémarketeurs essaient de se faire prendre pour des sondeurs. Un vrai sondeur est transparent, franc, précis et intéressé. Sans oublier flexible, tolérant et compréhensif. D’ailleurs, j’ai eu la chance de travailler dans un service de sondage qui ne faisait pas d’appels non-sollicités dans la mesure où nous appelions des clients d’une entreprise spécifique. Et nous étions très respectueux avec les répondants. Le fait de ne pas se montrer respectueux, ne serait-ce qu’une fois, était motif de renvoi immédiat. Par ailleurs, nous n’effectuions un sondage qu’avec les répondants qui acceptaient de répondre, sans même insister. Pour dire la franche vérité, j’étais réellement très bon dans ce boulot. Mon taux de réponse était très élevé et, même si ça n’avait aucune influence sur mon salaire, ça m’apportait une certaine satisfaction.

    Alors, ce que j’essaie de dire, c’est qu’il est plus efficace et plus agréable d’être comme une maison de sondage que comme une agence de télémarketing.

  10. @Paul En fait, c’est peut-être de Martin Lessard que tu parlais. Par contre, on s’est rencontré à quelques reprises et nous faisons tous les deux partie de Yulblog, ce qui est «bin en masse» pour entretenir un contact. D’ailleurs, parmi mes contacts sur Fb, Yb est à peu près le seul groupe avec un fort “clustering coefficient”.

  11. Avec plus de 300 contacts sur FB je vais t’aider. Je pensais à MichelLe Blanc. Si ma mémoire est bonne, il a écrit un article sur les raisons ( diffusion) qui le motivait à accepter tout les contacts sur FB. D’ailleur le blogueur français Loic Le meur a une ‘page’ sur Facebook avec 5000 ‘fans’ pour contourner la limitation de FB sur le nombre maximum d’amis ou contacts.

  12. @Paul Ah! Merci de me le dire. Comme nous avons Martin comme ami commun et que t’avais écrit un commentaire sur le même billet que moi (à propos de la Chine), j’étais certain que c’était de lui que tu parlais.
    Savais pas que tu suivais aussi le blogue de Michelle. Son idée est assez commune (Jason Calacanis) mais, comme tu le dis, la page de fan change un peu le topo.

  13. Excellent billet, Alexandre; j’écrirais ce commentaire en anglais.

    Where to start? This is a long post that covers a lot of ground. My observations follow below (and you cover some of them in your post):

    – The act of creating one’s own profile online can be a very daunting task. When you create a profile, you inevitably ask yourself: how should I present myself? What type of persona do I want to create? How will people perceive me? How much information about myself should I disclose? Where do I draw the line between private and public?

    – It’s hard to get your profile just right in the beginning, and you may come back to revise it many times based on your interactions online with others. As you come to understand why others are contacting you and as you read other people’s profiles, you will learn how to fine tune your own.

    – Profiles are easily verified by people who know you, so it’s not entirely possible to create false profiles. The most credible profiles are the ones that have been vetted by others through testimonials, friending, blog comments, backlinks, etc.

    – It is not enough to create an identity. The next step is to establish credibility, so people can verify that you are who you say you are. Over time, a credible identity establishes a reputation and authority online.

    – Even anonymous posters can create authority for themselves, but it can be difficult to remain anonymous over long periods of time, as someone is bound to find out who you are.

    – The profile is obviously not the only indicator of who you are. You are also the history of your blog posts, comments, bookmarked items, friends, Facebook applications, etc. All of these give an indication of your identity and interests. As such, your profile and identity is continuously shifting, based on the new material you’re producing and the traces you leave about the media you’re consuming.

    – Being able to discern someone’s identity is a critical competence for media literacy. It is essential to be able to deduce who is behind a blog post, video, news story, or editorial, even when little or no profile information is available. Not knowing who wrote the article you’re reading implies not understanding their motivations for writing it.

    – The more experience you have online, the easier it is to identify people and their own level of experience. There is an online equivalent to the rapid cognition Malcolm Gladwell describes in his book “Blink” http://www.gladwell.com/blink/index.html

    – One of the great things about being online these days is the ability to identify and communicate with people who share similar interests, across the world. So when you’ve established a credible identity and reputation, it is much easier to approach strangers online and to contact them without animosity.

    – Even so, misunderstandings do occur (see http://skitch.com/alexdc/ujbj/twitter#2hm )

    Thanks for this fascinating discussion, and I hope I didn’t stray too far off the topic 😉

  14. @Alex Fascinating points, all of them.
    And it helps me change my approach, somewhat. From those ramblings about things I noticed to something more of a learning tool, in fact. The “guide” in the title didn’t really make its way in this post but the germ was there. You’re helping this idea grow.
    Much of what we’re discussing is taken for granted. As in, “there are ‘social’ people who are good at this.” It’s taking me a while but I now realize that those of us who have this kind of social contact expertise can help others learn how to refine similar skills. The reason it’s taking so much time to realize the implications of such expertise is that it seemed like a “natural” thing.

    Interesting connection with media literacy. Been streaming thoughts about online literacy but wasn’t connecting these with online contacts. Among interesting connections is the notion of “trust.” A little while ago, a friend made me think about the way people “trust” specific sources. The obvious academic reaction is to say that we should (and do) distrust any source. Thing is, we do adopt elaborate strategies through which we selectively trust people as sources. Beyond that, we also apply critical thinking and put things in context, but there’s a social dimension as an undercurrent for this mode of thinking which does link social contact with media literacy.
    The thread on your Skitch page has proven quite effective at describing interesting dimensions of online contacts. We seem to all have compatible ideas yet we’re all contributing our own thoughts. Not that this doesn’t happen offline but there’s something about the contact among people who participate in this thread which is quite representative of what happens online: we all connect with you, Alex. You have different impacts on each of us yet we’re all connected to you.

    Seems like something is going on. It’s sad for those who are missing out.

  15. @Alex
    > So when you’ve established a credible identity and reputation, it is much easier to approach strangers online and to contact them without animosity.

    Non pas nécessairement quand je pense à des auteurs critiques qui ont leur blog. L’agressivité est davantage lié au propos et style de l’auteur qu’à son authenticité et réputation ou popularité. La popularité augmente même le risque d’animosité avec un trafic accru et une forme de jalousie / rivalité chez certains participants. Ce qui est vrai c’est que les gens réagissent parfois par rapport à une image, un statut social et ne prennent pas tjs le temps de bien lire un auteur. Un peu comme on réagit à une publicité sans connaitre vraiment les caractéristiques précises du produit derrière.

    Ce qui devient impossible, c’est ce qu’on pense être impossible. On peut se fermer soi-même une porte sans même avoir essayer de l’ouvrir vu qu’on est convaincu qu’elle est fermé.

    Le style d’Alexandre est assez conciliant au vu des ses réponses 😉 et je pense qu’il doit avoir un nombre assez limité d’animosité dirigé contre lui. Maintenant une personne plus sensible peut l’apprécier différemment d’une personne plus insensible.

  16. @Paul Bien d’accord avec toi! 😀
    Un truc qu’on peut remarquer, quand même, c’est qu’il y a quelque-chose qui va au-delà du style. Il doit bien y avoir une explication au fait que certains de ceux qui sont les plus belliqueux, queruleux, querelleurs, gueulards et chiants sont en mesure d’attirer une certaine sympathie, de l’admiration et même une certaine «bonne entente». C’est une question qui me vient souvent à l’esprit. Il y a parfois une dose d’humour associée à une attitude bougonne que certains peuvent aimer (@therealdvorak ou @hotdogsladies). Mais ça explique pas tout.

    Mon observation est aussi que je semble générer relativement peu d’animosité, en général. Il y a des exceptions, c’est certain, mais la plupart de ceux avec qui je communique semblent ne pas me considérer comme un ennemi. Et je crois être souvent à même de concilier, comme tu l’indiques, deux parties adverses dans un conflit qui n’exclut pas le dialogue. (Je jette parfois de l’huile sur le feu, souvent sans m’en rendre compte, mais je crois en effet que je suis plus conciliant qu’autre chose.)
    Par contre, mon attitude peut sembler trop «douce» pour plusieurs, ce qui diminue le niveau de respect que certains peuvent avoir à mon égard. Pas un problème pour moi mais ça aide peut-être à expliquer que certains de ceux qui cherchent le respect d’autrui sont aussi ceux qui attirent le plus d’animosité.

    Pour revenir au point d’Alex… Si on se concentre sur le «contact social» et qu’on pense à un certain type d’animosité (celui qui vient de comportements intempestifs), il y a matière à discussion sur la réussite de la prise de contact. Même un “cold call” peut être toléré assez facilement s’il est effectué avec certaines précautions ou s’il provient d’une personne précédée d’une réputation positive. L’animosité dirigée vers, disons, les télémarketeurs est liée à un comportement (répété par la plupart d’entre eux) qui est considéré comme inapproprié.
    Une fois que le (premier) contact est effectué, la fonction phatique de la \a href=”http://fr.wikipedia.org/wiki/Sch%C3%A9ma_de_Jakobson”>communication verbale demeure importante, mais l’animosité prend plus volontiers sa source dans l’histoire des épisodes de communication que dans la «première impression». Certains de ceux qui adoptent le même type de stratégie «conciliante» que la mienne ont peut-être plus de difficulté à gérer cette animosité interne que ceux qui ont un style plus «véhément» (comme le précisait Jacques).

  17. Oui c’est un équilibre à avoir mais il ne faut pas s’adapter à un troll. C’est le risque quand on veut appliquer un guide de communication “conciliant” trop scolairement comme il m’est arrivé dans le passé. Il faut savoir accepter parfois des dérapages même si une bonne communication permet de les éviter. Un moment on ne doit plus reculer, soit on quitte la scène de combat, soit on pousse le cri d’avertissement pour montrer sa force et dissuader l’adversaire du combat. D’après un reportage sur les animaux prédateurs dans la nature, l’évitement du rival congénère semble majoritaire, ensuite vient ce cri d’avertissement qui a pour vocation d’éviter le combat en montrant via sa dentition et sa puissance vocale les dégâts qu’on pourrait infliger à son opposant. Sans être trop agressif et provoquer l’attaque de self-défense, il doit montrer sa puissance, qu’on a pas peur et qu’on peut se battre si on en est contraint. Souvent ça calme davantage que celui qui baisse la queue et le museau. Reste à transposer dans la communication verbale humaine vu que le cri n’est pas toujours possible suivant le statut social et le type de société. 😀

    Je me permet de vous citer une référence cinématographique pour mieux éclairer mon propos qui pourrait être trop académique ou brumeux.
    Dans le dessin animé Shrek, l’ogre vert se sert de son cri à une ou deux reprises avec succès et lui évite ainsi plusieurs combats.
    Ma fille de 5 ans a très bien compris le message au point que j’ai droit à ce cri GRrrrr! quand je lui demande une chose qu’elle ne veut pas faire plutôt que son NON. Malheureusement pour elle, elle n’a encore que 3 pieds de hauteur et ça ne me dissuade pas d’insister calmement. Elle ferait 6 pieds de haut que je ré-évaluerai certainement ma demande Si bien évidement ça ne constitue pas un préjudice grave à mon autorité et réputation de père. Dans le cas contraire je serai contrait de pousser à mon tour et sans aucun préambule d’usage mon cri d’avertissement : DANS TA CHAMBRE!

  18. @Paul
    Amusantes, comme analogies. Mais, comme toutes analogies, il est bon de pas les pousser trop loin.
    D’accord, on peut classifier les stratégies selon qu’elles sont des stratégies d’évitement ou des stratégies d’agression. Honnêtement, ça me semble un peu limitatif. Surtout que la conciliation n’est ni une stratégie d’agression (il n’y a pas d’attaque), ni d’évitement (il n’y a pas de rupture de communication).
    En fait, il me semble que les stratégies utilisées en-ligne par des communicateurs fonctionnels post-pubères sont diverses, surtout quand le contact a été établi au préalable. Certaines sont presque viscérales (presqu’équivalentes aux cris d’animaux ou à la fuite), mais d’autres sont plus sophistiquées, plus subtiles (réellement équivalentes à la diplomatie ou au déploiement militaire). La communication en-ligne demande d’après moi, de par son manque de précision et son indirection, des techniques un peu plus poussées que la réaction automatique. Du moins, dans le contact prolongé.
    Pour l’initiation du contact social, qui était l’objet principal de mon billet, je crois que certaines précautions peuvent permettre d’éviter certains problèmes de base, surtout quand on essaie d’entrer en rapport avec des gens qui ont déjà élaboré toute une série de techniques les aidant à préserver la bonne entente dans leurs communications en-ligne.

    Un argument que j’utilisais dans ce billet, c’est qu’on ne va pas simplement cogner chez les gens pour leur demander d’être nos amis. Il y a une part de tabou dans tout ça et c’est peut-être spécifique à un contexte culturel précis. Mais je crois que ça se tient debout, si on pense à des contacts «matures» tels que ceux qui sont généralement entretenus (même ou surtout par des ados!) en-ligne. Il y a une anecdote qui me permet de contextualiser: lorsque j’avais cinq ans, je suis moi-même allé cogner à la porte arrière de l’immeuble en face de chez moi pour me présenter à un enfant de mon âge dans l’espoir qu’il devienne mon ami. Pas très subtil, mais ç’a fonctionné. Francis est devenu un de mes premiers contacts hors du cercle familial et nous nous sommes côtoyés pendant plusieurs années (même s’il n’est peut-être jamais devenu un ami très proche).
    J’ai essayé des stratégies similaires pendant assez longtemps et ça n’a que très rarement fonctionné (pour toutes sortes de raisons). Au cours de mon avant-dernière année à l’école secondaire, après une période d’isolation assez intense, j’ai commencé à adopter de nouvelles stratégies. Sans vraiment m’en rendre compte. Par simple passion pour la condition humaine (j’avais lu du Malraux après Sartre, Camus et Heidegger 😉 ).
    Soudainement, je réussissais à me faire des contacts de toutes sortes, y compris de vrais amis (que je revois à l’occasion). Depuis cette époque, et même dans mes moments les plus difficiles, je réussis toujours à établir le contact avec des gens, peu importe où je me trouve. Dans divers milieux, dans diverses circonstances. Et même si je peux ressembler au prototype du papillon social, toutes ces personnes ont de l’importance pour moi.
    Arrivant en-ligne lors de ma dernière année de baccalauréat, j’ai été forcé d’adapter certaines de mes stratégies. Comme l’éveil social au secondaire, ça s’est fait sans que je puisse vraiment m’en rendre compte. Par l’observation, la pratique, l’habitude.
    Ça peut faire croire à de la vantardise de ma part, même si je crois retrouver mon sens de l’humilité. Mais c’est un peu la base personnelle de mon billet. Une question de rendre patents certains processus que j’ai cru observer en moi et dans mes entourages.

    Pour revenir au cri… Un truc que mon frère me dit par rapport à ses enfants (trois et six ans), c’est qu’il se rend compte à quel point le cri peut aggraver des situations relativement simples. D’ailleurs, j’ai pu observer une grande diversité dans le comportement de parents au Mali, en Suisse et en Amérique du Nord. Passant de la «véhémence» à l’absence quasi-totale de cri. Ça semble impliquer que diverses stratégies fonctionnent dans divers contextes.
    Oui, l’ethnographie peut causer une déformation professionnelle. 😀

  19. Certes Alexandre, il ne faut pas pousser trop loin une simple plaisanterie 😉 mais je suis un peu surpris par ton interprétation. En relisant mon texte, je me suis aperçu que j’avais oublié un “soit on combat (directement)”. L’avertissement ne fait pas partie de l’agression physique puisqu’on peut quitter la scène de combat avant le combat.
    De mon exemple avec 2 prédateurs face à face, je voulais faire ressortir 3 stratégies : une stratégie d’évitement, une stratégie d’avertissement et une stratégie agressive immédiate (attaque). Je n’ai pas parlé de la stratégie de soumission et de collaboration qui est la plus usuelle dans une meute de loup avec un seul leader qui reproduit mieux je trouve notre tissu social que 2 ours mâles qui se rencontrent.

    Bon quand je transpose dans les relations humaines sur l’internet ça donne quoi ?
    l’évitement on ignore la personne, on change de forum, on bannit le troll etc …
    l’avertissement c’est l’affirmation de soi et son irritation, son agacement
    l’agression se traduit par des insultes et critiques virulentes qui pourraient dans la vie réelle se transformer en coups physiques suivant le contexte.

    Pour l’éducation des enfants, il ne faut pas oublier le contexte de l’école et du pays dans lequel vit l’enfant au delà du cercle familial.
    L’enfant comme l’adulte peut interpréter différemment un cri suivant son environement. Reste que le cri demeure un message d’alerte, utile et indispensable s’il est bien utilisé.

    Quand on voyage, on devient tous un peu ethnographe. 😉

  20. Peut-être mais il ne faut pas confondre ethnologie et éthologie! 😀

    Dans le fond, je tente de démontrer les difficultés liées au réductionnisme ambiant, qui rend certains Internautes sourds au dialogue social.

    J’avoue aisément mon anthropocentrisme. S’il est difficile de dresser des frontières précises entre comportement humain et comportement animal, je revendique le droit d’étudier l’humanité sur le mode particulariste. Oui, nous sommes des animaux. Mais, parmi les animaux, nous avons des caractéristiques qui sont significativement différentes de celles des autres animaux.
    Donc, dans le cas qui nous préoccupe, je tente de discuter de cette «sophistication» des rapports humains. J’ai de la difficulté à voir ça comme une différence de degré entre «réactions viscérales» (réflexes, «instincts») et les stratégies sociales si compliquées que nous pouvons observer, à tout moment, en-ligne.
    D’ailleurs, un aspect qui vient de ma perspective ethnographique, c’est le refus de la présupposition d’universalisme. Il y a peut-être des comportements qui ont la même valeur partout, mais on ne peut tenir cette universalité pour acquise, même dans un champ aussi «construit» que l’Internet. En d’autres termes, le «cri primal» a peut-être le même effet partout dans la nature mais on peut difficilement utiliser le naturel pour expliquer le comportement d’un Larry Lessig ou l’attitude d’un John C. Dvorak (pour ne prendre que des exemples d’une région relativement restreinte).

    Pour ce qui est de la meute de loups… Un élément fascinant des réseaux sociaux, qui les rend difficiles à modéliser, c’est leur fluidité. Oui, il y a des tentatives de la part de certains de construire un modèle simple au sein duquel ils sont «prédateurs». L’illusion du “pecking order”. Il s’agit d’une illusion entre autres parce que les «niches écologiques» ne sont pas distinctes, parce qu’il n’est pas réellement question de survie, parce qu’il n’y a éventuellement pas de contrôle direct de l’un sur plusieurs et parce que les groupements sociaux changent de façon continue. Désolé de le dire, mais je trouve que c’est pas un modèle très parlant. Alors je tente d’élaborer d’autres modèles, plus près de la réalité vécue.

    Pour les contextes scolaires et étatiques, je préfère penser à la diversité culturelle dans son ensemble. À l’intérieur d’un même «pays» ou même d’une même «école», il peut y avoir une grande diversité. Comme on parle ici d’ensembles ouverts, une notion ouverte de la diversité humaine peut être utile. Évidemment, j’ai déjà parlé de l’effet de “clustering”, surtout en fonction du langage. Mais ce qu’on note tout de suite, c’est que cet effet va à l’encontre du principe de base des réseaux sociaux en-ligne et qui est celui de l’ouverture.
    Dans cette diversité de contextes, une réaction spécifique a toute une série de significations et de signifiances différentes. Le «cri» n’est pas même considéré comme «cri» partout sur le ‘Net.

    Pour revenir au troll, puisque c’est un exemple qui revient souvent… Oui, il y a quelques stratégies pour gérer les trolls. Parmi celles qui semblent assez efficaces, il y en a une qui pourrait être conçue comme un «évitement actif». Plutôt que de bannir un troll, on peut utiliser la subtilité de la communication pour rendre le comportement du troll relativement inconséquent. Ça peut prendre quelques semaines, mais c’est assez efficace. Surtout qu’un des effets est de créer une certaine cohésion dans un réseau qui n’en a au départ aucune. Là où ça fonctionne le mieux, c’est dans ce que j’appellerais un milieu «mature», dans lequel les approches de la communication en-ligne sont sophistiquées (et non frustes). Le troll est une créature ancienne en ce sens qu’il a de la difficulté à s’adapter à ces groupes qui s’autorégulent si efficacement. Il a justement une approche réductionniste de la communication en-ligne.
    Ou il a tout simplement besoin d’amour! 🙂

  21. Oui c’est juste je pourrais placer ma plaisanterie sur le blog d’un(e) enseignant(e) en éthologie. 😉

    > Le réductionnisme peut rendre certains internautes sourds au dialogue social.

    Oh là on s’engage sur un très long débat. il y a plusieurs causes à cette surdité.
    Ce que je remarque autour de moi, ce sont la masse de gens qui se perdent dans la complexité et qui n’ont pas un raisonnement cohérent. Proposer des paradigmes simples a des vertus pédagogiques que tu dois bien connaitre comme enseignant. C’est un point de départ, une bonne ouverture pour la suite.

    Sinon tu vas me dissuader de plaisanter à nouveau si à chaque fois je suis embarqué bien malgré moi 😉 dans une discussion certes intéressante mais longue. J’imagine que tu parles des réseaux sociaux en-ligne. C’est assez nouveau et je me risque pas trop dessus. Je sais par expérience que ça reprend plusieurs caractéristique des réseau sociaux “classiques” et je m’arrête là vu que j’ai d’autre centres d’intérêts bien que j’y navigue dedans.

    Les motivations et psychologies sont assez variées. En matière de troll, j’adapte ma “théorie” après chaque nouveau type de spécimen et le dernier était particulièrement érudit, malin, tourmenté et persistant pour faire changer la théorie de plusieurs d’entre nous. 😉

  22. Le plus drôle, c’est que j’étais justement en train de regarder le travail d’une troll. Ça m’a presqu’amusé.

    Je comprends bien la vertu pédagogique dont tu parles mais je la situe pas dans la simplification. On parle d’un monde complexe et compliqué. Plutôt que de le réduire à sa plus simple expression, je préfère me concentrer sur des approches qui peuvent être utilisées pour avoir une certaine compréhension de ce monde. D’après moi, ça permet d’éviter pas mal de soucis. Plutôt que de tenir pour acquis qu’on peut tout simplifier, on prend en considération le fait qu’on peut pas tout contrôler. Comme on parle d’un univers qu’on peut mettre de côté, c’est plus rassurant, en fait.

    Je parlais de l’Internet comme tel en tant qu’exemple du modèle même de réseau social. Comme j’en parlais il y a deux mois, les sciences sociales ont toutes sortes d’outils pour traiter des réseaux sociaux dans leur ensemble et c’est une bonne idée de les utiliser.
    Pour ce qui est des réseaux sociaux en-ligne, il y a bel et bien des caractéristiques qui proviennent de schèmes de base des réseaux sociaux quels qu’ils soient, mais je me rends compte que ceux qui les utilisent de la façon la plus efficace sont ceux qui vont au-delà de ces apparences. Ça fait pas partie de tes intérêts, mais c’est en plein coeur des miens. C’est d’ailleurs un peu pour ça que j’ai eu l’idée d’écrire ces billets.

  23. Alexandre,
    Ce que nous avons probablement en commun avec l’expression francophone et le cinéma 😉 c’est la curiosité et le gout du pluridisciplinaire. Je m’intéresse à plusieurs domaine. Je suis un peu un papillon en science: math, info, philosophie, psychologie, communication, géopolitique, économie, finance etc … Je survole un peu tout sans me spécialiser sur rien vraiment. L’internet, comme une très grande bibliothèque, est un environement ou je m’épanouis.
    J’ai regardé ton article et j’ai retrouvé via tes liens 2 articles de Martin Lessard. Je suis souvent d’accord avec ces analyses bien que nous ayons des formations différentes. Cette complémentarité est souvent enrichissante.

  24. Assez d’accord avec toi. Par contre, je te dirais que ma perspective sur l’interdisciplinarité et sur le fait d’être touche à tout se modifie pendant certaine période. C’est toujours important pour moi d’être un «généraliste créatif», mais je commence à voir l’importance (pour les autres) de s’astreindre à une seule discipline.
    Aussi, même si je ne crois pas aux cloisons disciplinaires et institutionnelles, j’ai tendance à souligner une certaine distinction entre diverses façons de penser. Entre brasseurs-ingénieurs et brasseurs-artistes, par exemple. Ou entre disciplines ethnographiques et le réductionnisme scientifique. C’est presque de la revendication identitaire et ça n’a pas pour but d’exclure. Mais ça resitue mon manque d’intérêt pour les frontières institutionnelles et ma passion pour la diversité de points de vue. Je crois quand même qu’il est utile de reconnaître des «modes de pensée» différents et de tenter de passer de l’un à l’autre.
    Je trouve plusieurs billets de Martin Lessard très “insightful” et nous avons eu quelques discussions. On a des styles très différents, lui et moi, mais on se rejoint assez facilement.

  25. > je commence à voir l’importance (pour les autres) de s’astreindre à une seule discipline.

    Oui bien sûr et le compromis entre ce que la société et l’employeur veux de nous et nos désirs profonds n’est pas toujours facile à trouver. En France, il y a une tendance forte à mettre des étiquettes. Par ex. celui qui plaisante passe vite pour un clown au sens péjoratif. Dois je faire une croix sur un trait de ma personnalité pour rester respectable et fréquentable pour un groupe important et influent de personnes ? Non mais c’est parfois fatiguant de devoir faire la preuve de ses capacités intellectuelles plus qu’un autre pour avoir utiliser l’humour. Quand je rencontre un milieu (en-ligne ou pas) avec “un mode de pensée” trop austère et qui étiquette trop & trop vite j’ai tendance à changer d’air.

    L’intérêt pour soi de se spécialiser c’est d’aller un peu plus au fond des choses et de faire modestement avancer la connaissance humaine d’un groupe +/- important avec la gratification personnelle que ça apporte. Ceci dit j’ai eu en France un ami étudiant, Dr. en math, qui était un peu mono-maniaque de caractère et je sais que je le serai jamais.

    Merci pour ton dernier lien je regarderai ce blog.

  26. Ce que tu dis sur l’étiquetage me fait penser à une théorie bien connue en sociologie qui porte le même nom. J’aime bien la version de Howie Becker, entre autres parce qu’elle parle de musiciens.

    Comme tu mentionnes la France, ça me fait penser à quelque-chose qui, sans être spécifique à l’Europe, est mis de côté en Amérique du Nord comme «rigidité» des statuts sociaux. L’idéal de base, en Amérique du Nord, est un statut fluide, qui peut changer assez facilement au cours de la vie. Les statuts “achieved” («acquis») sont bien mieux considérés que les statuts “ascribed” («hérités», mais pas nécessairement à la naissance). On a toujours une seconde chance, ceux qui sont “born with a silver spoon in their mouth” (qui proviennent d’une classe sociale supérieure) se positionnent comme “self-made” (ayant acquis leur statut par mobilité sociale vers le haut).
    Cette idéologie (au sens neutre de «système d’idées») change beaucoup de chose au niveau des rapports sociaux. Comme l’Amérique du Nord domine les contacts sociaux en-ligne (du moins, parmi les locuteurs de langues indo-européennes), c’est ce que j’essaie d’indiquer dans ce billet: peut-être n’aimez-vous pas le mode d’interaction «à l’américaine», mais il est très présent, voire dominant, en-ligne. Faut s’y faire ou adopter des stratégies qui rendent ce mode d’interaction compatible avec vos visées sociales.

    En passant, un billet qui semble intéressant au sujet de la «porosité» des réseaux sociaux: the porous membrane: why corporate blogging works. L’ai pas lu encore, mais en l’écrémant je remarque une mention du Manifeste des évidences qui m’a toujours semblé utile à garder en mémoire. Pas que ma pensée est intimement liée à celle de la bande Locke, Searls, Weinberger. Mais ça reste utile, surtout hors des rapports commerciaux.

  27. Je te considère comme un digne et intéressant représentant du peuple des connecteurs. 🙂

    Tel un portail intelligent, tes liens donnés semblent devenir de plus en plus pertinent par rapport à mes centres d’intérêt. J’ai la vague impression d’être cadré, classifié. En tous merci beaucoup pour l’attention que tu me témoignes. J’apprécie.

    S’adapter est une aptitude que j’ai et que j’aime développer. Ceci dit avec l’expérience, j’apprends à dire non, à garder mon identité peu importe le modèle dominant. Cette stratégie n’est sans doute pas la plus pertinente pour une entreprise mais comme individu c’est mon choix identitaire. Maintenant il est utile de savoir comment fonctionne le modèle dominant ou l’on vit non pas pour s’y adapter nécessairement mais pour éviter les surprises désagréables. Concernant les réseaux sociaux en-ligne, j’ai entendu dire d’une italienne que plusieurs italiens d’Italie parlaient anglais entre eux. Entre italiens je trouve cela un peu stupide et dommage. Trop de gens oublient aussi les écarts de distance avec de nouvelles relations amoureuses en-ligne voués davantage selon moi à l’échec vu cette contrainte réelle supplémentaire.

    Sinon j’apprécie justement le côté statut «acquis» dont tu parles. Une des raisons de mon expatriation en Amérique du Nord. Maintenant il y aussi un peu de propagande avec le “rêve américain” savamment prolongé dans le cinéma US. il y a une vision qui ne colle pas toujours avec la réalité. Loin s’en faut quand on fait partie d’une communauté visible comme les noirs aux USA, malgré les exceptions mis en avant.

  28. Merci pour le compliment! Ce qui est vrai, c’est que j’essaie de jouer ce rôle. D’ailleurs, c’est une des bases de mes idées sur «l’effet du papillon social».
    Pour ce qui est de l’adaptation, je parle pas de se perdre. Mais un truc qui se remarque assez facilement, c’est que ceux dont l’identité est «sécurisée» (même sans qu’ils puissent s’en rendre compte) ont souvent de la facilité à jouer dans d’autres camps, temporairement. Je sais pas si les Italiens disent craindre de perdre leur langue mais le fait de parler anglais entre eux semble démontrer qu’ils n’ont en fait pas peur de la perdre. Même chose avec les Québécois francophones, contrairement aux Acadiens ou à d’autres FHQ («Francophones Hors-Québec»). Il y a beau y avoir tout un discours sur la survie de la langue française, parmi les politiciens et journalistes, les Francophones du Québec ne sont pas réellement victimes d’insécurité linguistique.

    Pour l’idéal du statut acquis (et, en effet, le rêve américain), faut bien se rendre compte que c’est un idéal, une vue de l’esprit. De la même façon que les statuts imposés, en Europe, sont parfois renégociés. À l’époque industrielle, les statuts mêmes acquis étaient définis d’une façon relativement claire. L’ère post-industrielle met au jour une négociation plus fluide des statuts.

    Ce que tu dis sur les minorités aux États-Unis n’est que la partie la plus connue. Dans le cours de socio que j’ai donné durant l’été, il y avait des tonnes d’exemples, cités par les étudiants, qui démontraient clairement la distance entre l’idéologie commune et la réalité vécue. Comme c’était un cours donné à des infirmières et infirmiers, on a beaucoup parlé de distinctions basée sur le genre et le sexe. Mais il y avait plusieurs autres composantes, y compris l’appartenance à certains réseaux sociaux ou même le fait d’étudier à telle ou telle école.

  29. Parfois je suis trop mesuré et ça ressemble à une forme d’euphémisme mais je suis bien d’accord de ce que tu dis de l’idéologie commune et de la réalité vécue avec ce que j’ai remarqué autour de moi et dans des documentaires US.

    > le fait de parler anglais entre eux semble démontrer qu’ils n’ont en fait pas peur de la perdre.

    Oui mais ce qui m’intéresse de savoir c’est si leurs enfants vont l’apprendre qu’ils aient peur eux-même de la perdre ou pas.

    Çà peux aller très vite ! il suffit d’une seule génération. Dans ma famille étendue en France, je suis le seul à parler italien. Tous mes cousins et cousines (4) ne le parlent pas et le comprennent à peine. Même s’ils continuent d’apprécier la cuisine italienne, je trouve cela triste quand leur parent parlent encore italien. ils perdent tout un pan de leur culture et son accès.

    La survie de la langue québécoise n’est pas menacée à moyen terme mais il demeure un petit risque à très long terme si on extrapole la faible natalité et les flux migratoires anglophones et allophones actuelles. Ceci dit je ne suis pas un virulent défenseur du français au QC vu que l’anglais est de fait incontournable dans mon secteur et que la loi actuelle est déjà assez protectrice.

    Pour ce qui est de mon français, j’essaye de parler un français “international” privé le plus possible des expressions québécoises et parisiennes. C’est plus pratique pour se faire comprendre quelque soit le lieu francophone où nous sommes.

  30. Perso, j’ai tendance à jongler avec diverses variétés linguistiques, tant au niveau du registre (variété contextuelle) que dialectale (variété régionale). Ça permet de créer certains liens, même si ça peut parfois en briser d’autres.

    En sociolinguistique, la perte d’une langue en l’espace d’une génération est un phénomène bien connu. Généralement, au niveau d’une population dans son ensemble, le processus prend deux générations pour aboutir. Mais dans un groupe plus restreint ou au niveau individuel, la coupure peut être immédiate.
    En fait, on a plusieurs paramètres pour discuter du maintien possible d’une langue en contexte d’immigration. Entre autres, une langue a plus de chances de se maintenir si elle répond à des besoins précis dans un contexte donné (par exemple, si c’est la langue utilisée dans les rapports sociaux d’une communauté immigrante).
    Mais, tout ça, ça mène à des discussions un peu problématiques.

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